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SOIXANTE-DIXIÈME TRAITÉ.

SUR CES PAROLES DE NOTRE-SEIGNEUR : « SI VOUS M’AVIEZ CONNU, VOUS AURIEZ AUSSI CONNU MON PÈRE », JUSQU’A CES AUTRES : « NE CROYEZ-VOUS PAS QUE JE SUIS DANS LE PÈRE, ET QUE LE PÈRE EST EN MOI ? » (Chap. 14,7-10.)

LE FILS SEMBLABLE AU PÈRE.

Il est la voie qui conduit au Père, et comme il lui est en tout semblable, puisqu’il a la même nature divine, celui qui le connaît, connaît aussi le Père sans l’avoir vu.


1. Les paroles du saint Évangile, mes frères, ne sont bien comprises qu’autant qu’entre celles qui précèdent et celles qui suivent il y a parfait accord. Quand la vérité parle, il doit y avoir accord entre ce qui précède et ce qui suit. Plus haut, Notre-Seigneur avait dit : « Après que je m’en serai allé, et vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que vous soyez vous-mêmes où je serai ». Ensuite il avait ajouté : « Et vous savez où je vais, et vous en connaissez la voie ». Ces paroles ne signifiaient rien autre chose, comme il le montra, que ceci : Ils le connaissaient lui-même. Ce que c’était qu’aller à lui-même par lui-même (et voilà ce qu’il accorde à ses disciples ; il les fait aller à lui-même par lui-même), nous vous l’avons expliqué comme nous avons pu dans le précédent discours. Remarquez le sens de ces mots : « Afin que où je suis moi-même, vous soyez vous aussi » ; où devaient-ils se trouver, sinon en lui-même ? lui-même est en lui-même ; et dès lors qu’ils seront, eux aussi, où il est lui-même, ils seront en lui. Il est donc lui-même la vie éternelle, dans laquelle nous nous trouverons, quand il nous aura reçus auprès de lui. Or, cette vie éternelle, qui est lui-même, est en lui, afin que où il est lui-même, nous soyons nous aussi, c’est-à-dire en lui. « Et comme le Père a la vie en lui-même[1] », et que la vie qu’il a n’est autre chose que lui-même puisqu’il la possède, « de même il a donné au Fils d’avoir en lui-même la vie », puisqu’il est lui-même la vie qu’il a en lui-même. Mais est-ce que nous-mêmes nous serons cette vie qu’il est lui-même, quand nous commencerons à être dans cette vie, c’est-à-dire en lui-même ? Non, certes, parce que lui-même, étant la vie, possède en lui la vie, et il est lui-même ce qu’il a, et ce que la vie est en lui, il l’est lui-même en lui-même. Mais nous, nous ne sommes pas la vie elle-même, nous ne sommes que participants de sa propre vie à lui, et là nous serons de telle sorte, non pas que nous puissions être en nous-mêmes ce qu’il est lui-même, mais que n’étant pas nous-mêmes la vie, nous ayons pour vie Celui qui possède en lui la vie qui est lui-même, parce qu’il est lui-même la vie. Enfin il est dans lui-même sans pouvoir changer, et dans le Père sans pouvoir s’en séparer. Mais nous, si nous voulions être en nous-mêmes, nous nous troublerions en nous-mêmes ; de là cette parole : « Mon âme a été troublée en moi-même [2] », et changés en quelque chose de pire, nous ne pourrions pas rester ce que nous sommes, mais quand par lui-même nous serons venus au Père, ainsi qu’il le dit : « Personne ne vient au Père, si ce n’est par moi » ; dès lors que nous resterons en lui, personne ne pourra nous séparer ni du Père, ni de Lui.
2. Unissant donc les paroles suivantes à ce qui précède, Notre-Seigneur ajoute : « Si vous m’avez connu, assurément vous avez aussi connu mon Père ». C’est la même chose que ce qu’il a dit : « Personne ne vient au Père, sinon par moi ». Il ajoute ensuite :« Et bientôt vous le connaissez et vous l’avez vu ». Mais Philippe, un des Apôtres, ne comprenant pas ce qu’il venait d’entendre, lui dit : « Seigneur, montrez-nous le Père, et il

  1. Jn. 5, 26
  2. Ps. 41, 7