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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/169

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mortelle, ils ont marché, d’un même pas, dans le chemin de la foi, et pendant l’éternité en l’autre monde, ils jouiront également de la claire vue de Dieu. Pour gouverner, au milieu des tempêtes innombrables de cette vie, tous les saints qui sont inséparablement unis au corps du Christ, le prince des Apôtres, Pierre, a reçu les clefs du royaume des cieux, et il a le pouvoir de lier et de délier leurs péchés ; et afin d’ouvrir à ces mêmes élus la source où l’on puise dans le sein de la paix la plus profonde, cette vie éternelle dont l’homme ne se fait aucune idée, l’Évangéliste Jean a reposé sur le cœur de son Maître. Pierre n’est pas seul à retenir et à remettre les péchés :1'Église universelle le fait comme lui ; ce n’a pas été non plus un privilège particulièrement réservé à Jean, de puiser au cœur de Jésus, comme à une source, ce qu’il dirait, en annonçant que le Verbe était au commencement, qu’il était Dieu de Dieu ; en faisant connaître tant d’autres choses admirables sur la divinité du Christ, sur la trinité et l’unité de Dieu, et tous ces mystères que nous contemplerons face à face dans le royaume céleste, et qu’il nous faut voir, en attendant la venue du Sauveur, comme dans un miroir et en énigme ; en effet, Jésus-Christ en a disposé ainsi pour le monde entier : tous ses fidèles peuvent boire à la fontaine de l’Évangile, chacun selon ses facultés personnelles. Parmi les commentateurs de la sainte parole, plusieurs, et ce ne sont pas des hommes dont on puisse mépriser les opinions, plusieurs pensent que si le Christ a aimé l’Apôtre Jean d’un amour de prédilection, c’est parce que celui-ci n’a jamais été marié, et que, dès sa plus tendre enfance, il a vécu dans la pratique de la plus délicate pureté[1]. Nous n’en trouvons pas de preuve évidente dans les Écritures canoniques ; ce qui semble, néanmoins, venir à l’appui d’un tel sentiment et en démontrer la convenance, c’est que Jean a été la figure de la vie céleste pendant laquelle ne se célébrera aucune noce.
8. « C’est ce disciple, qui rend témoignage de ces choses, et qui écrit ceci, et nous savons que son témoignage est véridique. Il y a encore beaucoup d’autres choses que fit Jésus ; et si elles étaient rapportées en détail, je ne crois pas que le monde puisse contenir les livres où elles seraient écrites ». On doit bien l’imaginer ; si le monde ne pouvait contenir ces livres, ce ne serait pas faute de place ; car comment les y écrire, s’il était incapable de les supporter ? Il s’agit donc peut-être de la capacité intellectuelle des lecteurs, qui ne pourraient saisir tant de choses : tout en ne portant aucune atteinte à l’idée qu’on doit avoir des choses, les paroles semblent souvent dire plus ou moins : ceci a lieu, non pas quand on explique une chose obscure ou douteuse par sa cause et sa raison d’être, mais quand on ajoute à une chose claire ou qu’on en retranche un point, sans néanmoins s’écarter du sens exact de la vérité à insinuer : en effet, les paroles vont au-delà de la chose dont il est question, de manière à manifester la volonté de la personne qui parle sans intention de tromper, qui sait ce qu’on doit penser, mais qui, par ses paroles, s’en tient plus ou moins loin, soit en y retranchant, soit en y ajoutant. En grec, cette manière de s’exprimer s’appelle hyperbole : les maîtres en littérature grecque et latine lui donnent ce nom ; dans quelques autres livres des saintes Écritures, comme ici, on en trouve des exemples, ainsi : « Ils ont placé leur bouche contre le ciel[2] ». « Le sommet des cheveux de ceux qui marchent dans la voie de leurs péchés [3] ». Il y a beaucoup d’autres exemples de ce genre dans les saints livres : comme les tropes, autres façons de parler. Je m’étendrais davantage sur ce sujet ; mais comme l’Évangéliste termine ici son livre, je me trouve moi-même obligé de mettre fin à mon discours.

  1. Jérôme, livre premier, contre Jovinien
  2. Ps. 72, 9
  3. Id. 67, 22