Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous avons pour avocat, auprès du Père, Jésus-Christ le juste, et lui-même est la victime de propitiation pour nos péchés. Quiconque a cru à ce point de doctrine, n’est point tombé dans l’hérésie ; quiconque s’en est tenu là, n’est point devenu schismatique. Car, d’où viennent les schismes ? De ce que les hommes disent : Nous sommes des justes, et qu’ils ajoutent : Nous sanctifions nous-mêmes ceux qui n’ont pas la conscience pure ; nous justifions les impies ; c’est nous qui demandons et qui obtenons. Pour Jean, que dit-il ? « S’il arrive que quelqu’un pèche, « nous avons pour avocat, auprès du Père, Jésus-Christ le juste ». Mais, dira quelqu’un, les saints n’intercèdent-ils pas en notre faveur ? Les évêques et ceux qui gouvernent le peuple chrétien ne prient-ils point pour lui ? Remarquez, s’il vous plaît, les paroles de l’Écriture, et vous verrez que les chefs du peuple se recommandent eux-mêmes à ses prières ; car voici ce que l’Apôtre disait à ses disciples : « Vous aussi, priez pour nous[1] ». L’Apôtre prie pour le peuple, et le peuple prie pour l’Apôtre. Nous prions pour vous, mes frères ; à votre tour, priez pour nous. Que tous les membres du corps prient les uns pour les autres, et que le chef intercède pour eux tous. Il n’est donc pas étonnant que l’apôtre Jean ajoute quelques mots pour fermer la bouche à ceux qui sèment la désunion dans l’Église de Dieu. Il venait de dire. « Nous avons Jésus-Christ le juste ; il est lui-même la victime de propitiation pour nos péchés ». Mais il devait y avoir un jour des hommes qui se diviseraient et diraient : « Le Christ est ici ; non, il est là[2] » ; des hommes qui voudraient faire voir, dans une portion du troupeau, celui qui l’a racheté tout entier et en possède l’ensemble ; aussi a-t-il immédiatement ajouté. « Et non-seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux de tout le monde ». Qu’est-ce à dire, mes frères ? Certainement « nous l’avons a trouvée dans les campagnes couvertes de forêts[3] » ; l’Église se rencontre au milieu de toutes les nations. Voilà donc que le Christ « est la victime de propitiation pour nos péchés, et non-seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux de tout le monde ». Voilà que l’Église se trouve dans toutes les parties du monde ; ne te mets donc pas à la remorque de gens qui ne justifient qu’en apparence, et qui, réellement retranchent de l’unité. Place-toi, au contraire, sur cette montagne qui a rempli le monde entier[4]; car le Christ est « la victime de propitiation pour nos péchés, et non-seulement pour les nôtres, mais pour ceux de : tout le monde », qu’il a acheté au prix de son sang.

9. « Or », dit Jean, « nous sommes assurés que nous le connaissons, si nous observons ses commandements ». Quels commandements ? « Celui qui prétend le connaître, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n’est point en lui ». Mais peut-être insisteras-tu à me demander quels sont ces commandements ? « Si quelqu’un garde sa parole, l’amour de Dieu est vraiment parfait en lui ». Voyons si ce commandement ne porte pas le nom de charité. Nous cherchions à connaître le commandement du Seigneur, et l’Apôtre nous répond : « Si quelqu’un garde sa parole, l’amour de Dieu est vraiment parfait en lui ». Lis l’Évangile, et tu verras que c’est bien là le commandement du Seigneur. « Je vous donne un commandement nouveau, c’est que vous vous aimiez les uns les autres[5]. Nous reconnaissons que nous sommes en lui, si nous sommes arrivés à la perfection qu’il nous recommande ». Jean entend, par là, la perfection dans la charité. Mais en quoi consiste la charité parfaite ? À aimer même nos ennemis, à les aimer au point de les regarder comme des frères. Car notre charité pour le prochain ne doit pas être charnelle. Souhaiter à quelqu’un la vie du corps, c’est très bien ; mais si elle vient à lui manquer, que son âme soit, du moins, en sûreté. Tu désires que ton ami vive : en cela, tu agis bien ; mais te réjouir de la mort d’un ennemi, c’est très mal. Pourtant, il peut se faire que la vie, que tu souhaites à ton ami, lui soit inutile, comme la mort de ton ennemi, dont tu conçois une joie si vive, peut lui être de quelque avantage. Que cette vie soit utile ou non à tel ou tel homme, nous l’ignorons ; mais nous ne saurions mettre en doute l’utilité de la vie que l’on puise en Dieu. Chéris donc tes ennemis jusqu’à désirer les avoir pour frères ; aime-les au point de vouloir former avec eux une société étroite. Ainsi les a aimés Jésus en croix, au moment de mourir, car il a dit : « Père, pardonnez-leur, ils ne savent ce qu’ils font[6] ». Il ne s’est pas exprimé de cette manière : Père, accordez-leur de vivre longtemps : ils me font mourir, mais puissent-ils vivre eux-mêmes ! Voici ses propres paroles : « Pardonnez-leur, ils ne savent ce qu’ils font ». Il écartait de leur personne la mort éternelle : par une prière

  1. Col. 4, 3
  2. Mt. 24, 13
  3. Ps. 131, 6
  4. Dan. 2, 35
  5. Jn. 13, 34
  6. Lc. 23, 34