Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/178

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autre : que Dieu soit loué ; tous les chrétiens le félicitent. Pourquoi ? Parce qu’il adore le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et qu’il déteste les démons et les idoles. Jean éprouve encore des inquiétudes au sujet de cet homme ; et tandis que les autres se livrent à la joie, il ressent encore de secrètes appréhensions. Mes frères, partageons largement la sollicitude de notre mère ; car, malgré l’allégresse des autres, elle se tourmente avec raison à notre endroit ; cette mère est, selon moi, la charité, qui remplit le cœur de Jean et lui dicte ces paroles. Pourquoi ? sinon parce qu’il redoute de nous trouver en un certain état, lors même que nos semblables nous félicitent ? Quel est cet état où il craint de nous voir ? « Celui qui dit qu’il est dans la lumière ». Quel est le sens de ces paroles ? Celui qui dit qu’il est chrétien, « et qui déteste son frère, est encore maintenant plongé dans les ténèbres ». Inutile d’expliquer la pensée de l’Apôtre ; réjouissons-nous, si elle ne se réalise pas en notre personne, mais pleurons, si elle s’y vérifie.


12. « Celui qui aime son frère demeure dans la lumière, et le scandale n’est point en lui ». Je vous en conjure par le Christ ; puisque Dieu pourvoit à notre nourriture ; puisque nous réparerons nos forces corporelles au nom du Sauveur ; qu’elles sont déjà réparées, et qu’elles le seront encore bientôt davantage : n’oublions point d’alimenter aussi notre âme. Si je m’exprime ainsi, ce n’est pas que je veuille vous entretenir longtemps encore, parce que nous sommes arrivés à la fin de la leçon ; mais je crains que la fatigue nous ennuie et nous empêche d’écouter avec attention, car il nous est indispensable de rester attentifs. « Celui qui aime son frère, demeure dans la lumière, et le scandale n’est point en lui n. Qui sont ceux qui deviennent victimes ou causes de scandale ? ceux pour qui le Christ et l’Eglise sont un sujet de scandale. Ceux qui se scandalisent du Christ, sont comme brûlés par le soleil ; et ceux qui se scandalisent de l’Eglise, sont comme brûlés par la lune. Le Psalmiste s’est exprimé ainsi : « Tu ne redouteras point, durant le jour, les ardeurs du soleil, ni, pendant la nuit, celles de la lune[1] ». C’est-à-dire : si tu conserves la charité, tu ne trouveras de sujet de scandale, ni dans le Christ, ni dans l’Eglise, et tu ne te sépareras ni de l’un, ni de l’autre. Celui qui se sépare de l’Eglise, qui n’est plus membre du Christ, peut-il lui appartenir ? Comment serait-il dans le Christ, s’il ne fait plus partie de son corps ? Ceux-là donc sont des victimes de scandale qui rompent avec le Christ ou avec l’Eglise. Par là, il nous est facile de comprendre que si le Psalmiste a dit : « Tu ne redouteras point, durant le jour, les ardeurs du soleil », c’est que ces ardeurs marquent le scandale. Remarque d’abord leurs points de ressemblance. Celui qui brûle, s’écrie : Je n’y tiens plus, je ne puis endurer ce supplice ; et il s’efforce de s’y soustraire. Ainsi en est-il de ceux à qui déplaisent certaines choses ecclésiastiques, et qui renoncent, en conséquence, soit à Jésus, soit à l’Eglise ; ils souffrent du scandale. De fait, voyez s’ils n’ont pas enduré un supplice pareil à Celui que produisent les ardeurs du soleil, ces hommes charnels auxquels le Christ parlait de sa chair, et disait : « Celui qui ne mangera pas la chair du Fils de l’homme, et ne boira pas son sang, n’aura point la vie en lui ». Près de soixante-dix hommes répondirent : « Ces paroles sont dures », et ils s’éloignèrent de lui ; il n’y en eut que douze pour lui rester fidèles ; le soleil consuma tous les autres ; aussi s’éloignèrent-ils, ne pouvant supporter la force des paroles du Sauveur. Les disciples qui lui demeurèrent fidèles, furent donc au nombre de douze seulement. Le monde aurait pu croire qu’en ajoutant foi aux paroles du Christ, ils l’honoraient beaucoup plus qu’ils n’en retiraient eux-mêmes d’avantage ; pour lui ôter cette fausse idée, le Sauveur leur dit, lorsqu’il se vit seul avec eux : « Vous aussi, voulez-vous me quitter ? » Apprenez que je vous suis indispensable, et que vous ne m’êtes pas nécessaires. Comme le soleil ne les avait pas brûlés de ses feux, ils lui répondirent par l’organe de Pierre : « Seigneur, vous avez la parole de la vie éternelle où irions-nous[2] ? » Quels sont ceux que l’Eglise consume, comme la lune pendant la nuit ? Ceux qui ont fait schisme. Ecoute ces paroles contenues dans les Epîtres de Paul : « Qui est faible, sans que je sois faible avec lui ? Qui est scandalisé sans que je brûle[3] ? » Pourquoi n’y a-t-il pas de scandale en celuiqui

  1. Ps. 120, 6
  2. Jn. 6, 54-69
  3. 2 Cor. 11, 29