Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/216

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eau, dont il disait : « Celui qui a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive ; celui qui croit en moi, des fleuves d’eau a vive couleront de son sein ». Qu’est-ce à dire : « Des fleuves d’eau vive ? » Qu’est-ce que cette eau ? Que personne ne m’interroge ; consulte l’Évangile. « Il disait cela à cause de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui ». Autre chose est donc l’eau du sacrement, autre chose l’eau qui est l’emblème de l’Esprit de Dieu ; l’eau du sacrement est visible, on ne voit pas celle qui figure l’Esprit. L’eau, en lavant le corps, est le signe de ce qui se passe dans l’âme ; par cet Esprit, l’âme est purifiée et nourrie. C’est cet Esprit que ne peuvent posséder ni les hérétiques, ni ceux qui se séparent de l’Église. Et ceux-là n’ont pas non plus cet Esprit, qui se séparent de l’Église secrètement par le péché, et qui, intérieurement, sont aussi légers que de la paille, et ne sont pas du froment. Cet Esprit, le Sauveur l’a représenté sous l’emblème de l’eau ; nous, avons lu ceci dans l’épître de Jean : « Ne croyez pas à tout esprit » ; et à cela reviennent encore ces paroles de Salomon : « Abstiens-toi de l’eau de l’étranger ». Qu’est-ce que l’eau ? L’esprit. L’eau est-elle toujours l’emblème de l’esprit ? Pas toujours. En certains endroits de l’Écriture, elle signifie l’esprit ; en d’autres, le baptême ; en ceux-ci, les nations ; en ceux-là, la prudence. Il est dit quelque part : « La prudence est une source de vie pour celui qui la possède[1] ». En différents passages de l’Écriture, le mot eau a donc des sens divers. Ici, cependant, et sous ce vocable, vous avez reconnu l’Esprit-Saint ; non pas d’après notre interprétation, mais d’après le témoignage de l’Évangile ; car il y est dit : « Mais il parlait ainsi, à cause de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui ». Puisque le mot eau signifie Esprit-Saint, et que cette épître nous dit : « Ne croyez pas à tout esprit, mais éprouvez si les esprits sont de Dieu », nous devons le comprendre, c’est en ce sens qu’il est écrit : « Abstiens-toi de l’eau de l’étranger, ne bois pas à une source étrangère[2] ». Qu’est-ce à dire : « Ne bois pas à une source étrangère ? » Ne crois pas à un esprit étranger.


12. Reste donc à savoir comment on éprouve si l’esprit est de Dieu. Jean nous en a indiquéle signe ; mais ce signe est peut-être difficile à saisir ; examinons cependant. Il nous faut revenir à la charité ; c’est elle qui nous instruit, parce qu’elle est cette onction. Toutefois, que dit ici l’Apôtre ? « Eprouvez si les esprits sont de Dieu ; car il est venu beaucoup de faux prophètes dans le monde ». Voilà bien désignés tous les hérétiques et tous les schismatiques. Comment donc est-ce que j’éprouve l’Esprit ? Jean continue : « Voici comment on reconnaît l’Esprit de Dieu ». Prêtez l’oreille de votre cœur. Nous nous tourmentions et nous disions : Qui le connaît ? qui le discerne ? L’Apôtre va nous dire son signe distinctif : « Voici comment on reconnaît l’Esprit de Dieu. Tout-esprit qui confesse que Jésus-Christ est venu dans la chair, est de Dieu ; et tout esprit qui divise Jésus-Christ, n’est point de Dieu, et c’est là l’antéchrist dont vous avez ouï dire qu’il doit venir, et il est déjà dans le monde ». Nous dressons les oreilles comme si nous allions apprendre à discerner les esprits ; et nous entendons de telles choses, que le discernement est, pour nous, encore aussi difficile. En effet, que dit Jean ? « Tout esprit qui confesse que Jésus-Christ est venu dans la chair, est de Dieu ». L’esprit qui se trouve chez les hérétiques, est donc de Dieu, puisqu’ils confessent que Jésus-Christ est venu dans la chair ? Peut-être, à ces paroles, se lèvent-ils déjà contre nous, et disent-ils Vous, vous n’avez pas l’Esprit de Dieu ; mais nous, nous confessons que Jésus-Christ est venu dans la chair, et Jean a déclaré que l’Esprit de Dieu n’habite pas en ceux qui refusent de confesser que Jésus-Christ est venu dans la chair. Questionne les Ariens ; ils confessent que Jésus-Christ est venu dans la chair ; interroge les Eunoméens : ils confessent que Jésus-Christ est venu dans la chair ; les Macédoniens : ils confessent que Jésus-Christ est venu dans la chair ; les Cataphryges : ils confessent que Jésus-Christ est venu dans la chair ; les Novatiens : ils confessent que Jésus-Christ est venu dans la chair. Tous les hérétiques ont-ils donc l’Esprit de Dieu ? Il n’y a donc pas de faux prophètes ? Il n’y a donc, de leur part, ni déception, ni séduction ? Certainement ils sont des antéchrists ceux qui sont sortis du milieu de nous sans être, néanmoins, des nôtres.


13. Que faire donc ? Comment discerner

  1. Prov. 16, 22
  2. Id. 9, 18, suiv. les Septante