Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/217

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les esprits ? Attention ! Marchons tous de cœur, et frappons. La charité même veille, parce que c’est elle qui doit frapper, c’est elle qui doit ouvrir. Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, vous comprendrez dans un instant. Vous savez qu’il a été dit précédemment : « Celui qui nie que Jésus-Christ soit venu dans la chair, est un antéchrist[1] ». Sur ce texte, nous avons cherché à savoir qui est-ce qui le nie, et nous nous sommes aperçu que ce n’est ni nous ni les hérétiques précités, mais nous avons vu que certains le sont par leur conduite[2] ; et, à l’appui, nous avons cité ces paroles de l’Apôtre : « Ils font profession de connaître Dieu, « mais ils le nient par leurs œuvres[3] ». Cherchons donc de même maintenant à savoir comment on nie Dieu, sinon de parole, au moins par les œuvres. Quel est l’esprit qui n’est pas de Dieu ? « Celui qui nie que Jésus-Christ soit venu dans la chair ». Et quel est l’esprit qui est de Dieu ? « Celui qui confesse que Jésus-Christ est venu dans la chair ». Quel est celui qui confesse que Jésus-Christ est venu dans la chair ? Voilà, mes frères, le moment venu d’examiner les œuvres, sans tenir compte des paroles. Voyons pourquoi le Christ est venu dans la chair, et nous saurons qui sont ceux qui nient qu’il y soit venu. Si tu ne fais attention qu’à la profession de foi, tu le remarqueras, beaucoup d’hérétiques confessent que Jésus-Christ est venu dans la chair ; mais la vérité les condamne. Car pourquoi le Christ est-il venu dans la chair ? N’était-il pas Dieu ? N’est-ce pas de lui qu’il est écrit : « Au commencement était le Verbe, « et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était a Dieu[4] ? » N’était-ce pas lui qui nourrissait les anges ? N’est-ce pas lui qui les nourrit ? N’est-il pas vents du ciel sans le quitter ? N’y est-il pas remonté, sans pour cela nous abandonner ? Pourquoi donc est-il venu dans la chair ? Parce qu’il fallait nous faire entrevoir l’espérance de ressusciter. Il était Dieu, et il s’est incarné ; comme Dieu, il ne pouvait mourir ; en tarit qu’homme, il en était susceptible ; il s’est donc fait homme, afin de mourir pour nous. Mais comment est il mort pour nous ? « Personne ne peut témoigner un plus grand amour qu’en mourant pour ses amis[5] ». C’est donc par charité qu’il s’estfait homme. D’où il suit que quiconque n’a pas la charité, nie que le Christ soit venu dans la chair. Adresse maintenant cette question à n’importe quel hérétique : Le Christ est-il venu dans la chair ? – Oui, je le crois, je le confesse.— Bien mieux, tu le nies.— Comment cela ? Est-ce que tu ne m’entends point parler ? – Non. Tu le nies, et je t’en donne la preuve. Oui, tu le confesses de bouche, mais tu le nies de cœur, tes paroles en sont un aveu, tes actes un démenti.— Comment est-ce que je le nie par mes œuvres ? – Parce que le Christ s’est incarné afin de mourir pour nous, et il est mort pour nous, parce qu’il nous a montré beaucoup de charité. « Personne ne peut témoigner un plus grand amour que de mourir pour ses amis ». Tu n’as pas la charité, parce que, pour t’élever, tu scindes l’unité. De là, comprenez quel est l’esprit de Dieu. Frappez, touchez ces vases d’argile pour voir s’ils ne craquent pas, s’ils ne donnent pas un son faux ; voyez si leur son est net, si la charité se trouve en eux. Tu te sépares violemment de l’union avec le monde entier, tu divises l’Eglise par des schismes, tu mets en lambeaux le corps du Christ. 1 s’est fait homme pour nous réunir tous, et toi, tu cries pour nous diviser. C’est donc l’Esprit de Dieu qui dit que Jésus-Christ est venu dans la chair, qui le dit, non de bouche, mais d’effet ; qui le dit, non pas en faisant du bruit, mais en l’aimant. Mais cet esprit n’est pas de Dieu, qui nie que Jésus-Christ soit venu dans la chair ; qui le nie, lui aussi, non de bouche, mais par sa conduite, non par parole, mais d’effet. Ce qui nous aide à discerner nos frères est donc nettement indiqué. Beaucoup le sont réellement, parce qu’ils le sont du fond du cœur ; mais personne ne l’est extérieurement, à moins que l’extérieur ne soit pas trompeur.


14. Remarquez bien que Jean en revient aux œuvres : « Et tout esprit qui divise le Christ et nie qu’il soit venu dans la chair, n’est pas de Dieu ». Diviser par les œuvres, s’entend. Que te montre l’Apôtre ? Celui qui nie, puisqu’il dit : « Il divise ». Le Christ était venu établir l’union, et toi, tu viens semer la division. Tu veux disloquer les membres du Christ. Comment ? Tu ne nies pas que le Christ soit venu dans la chair, et tu brises l’Eglise de Dieu que le Christ avait faite une ? Tu marches donc à l’encontre du Christ ; tu

  1. Jn. 2, 19, 22
  2. Traité 3, 2, 7-9
  3. Tit. 1, 16
  4. Jn. 1, 1
  5. Id. 15, 13