Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/224

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catholique on n’efface pas le baptême, pour ne pas effacer le titre du Maître. Mais que se passe-t-il dans la catholique ? On reconnaît une inscription ; le propriétaire entre sous l’égide de ses propres titres, là même où le voleur entrait à l’aide des titres d’autrui.

HUITIÈME TRAITÉ.

DEPUIS LES PAROLES SUIVANTES : « SI NOUS NOUS AIMONS LES UNS LES AUTRES, DIEU DEMEURERA EN NOUS », JUSQU’À CES AUTRES : « DIEU EST AMOUR ; ET QUICONQUE DEMEURE DANS L’AMOUR DEMEURE EN DIEU, ET DIEU DEMEURE EN LUI ». (Chap. 4, 12-16.)

LA CHARITÉ N’EST NI ORGUEILLEUSE NI VINDICATIVE.

Nous ne pouvons pas toujours nous livrer aux mêmes occupations, mais nos œuvres doivent sans cesse s’inspirer de l’humilité qui est le fondement de la charité et des sentiments de la charité elle-même. La charité ne sait être ni orgueilleuse, ni jalouse ; elle se souvient que si Dieu a élevé l’homme au-dessus des êtres privés de raison, il ne l’a pas constitué le supérieur de ses semblables, ni, à plus forte raison, du Tout-Puissant : aussi, quand elle fait le bien, elle ne cherche pas plus à s’élever qu’à dérober aux regards les bonnes œuvres par lesquelles elle peut travailler à la gloire de Dieu et édifier le prochain. La charité ne sait pas non plus faire de distinction entre les amis et les ennemis ; car, sans faire attention à leurs travers, elle les aime comme les créatures de Dieu, comme des hommes qui peuvent hériter du ciel ; elle supporte donc ses ennemis avec patience et leur rend le bien pour le mal, se souvenant que Dieu est amour, qu’il nous a pardonné à nous-mêmes, et qu’il nous a donné son Esprit comme gage du bonheur du ciel.



1. En paroles, la charité est chose bien douce ; en pratique, elle est chose plus douce encore. Nous ne pouvons pas en parler sans cesse ; car nous travaillons beaucoup ; la multiplicité de nos occupations se partage notre attention, en sorte qu’il n’est pas loisible à notre langue de toujours parler de la charité ; elle ne saurait pourtant mieux faire. Mais s’il nous est impossible de nous en entretenir sans relâche, nous pouvons, du moins, la conserver toujours dans nos cœurs. Ainsi, nous chantons maintenant l’Alleluia, mais sommes-nous à même de le chanter perpétuellement ? C’est à peine si nous le chantons, je ne dirai pas, pendant toute la durée d’une fleuré, mais même pendant la moindre petite partie d’une seule heure ; puis, nous vaquons à autre chose. Alleluia, vous le savez, signifie : Louez Dieu. Louer Dieu verbalement, sans interruption, c’est impossible ; mais on peut le louer toujours par une conduite régulière. Les œuvres de miséricorde. les affectueux sentiments de la charité, une piété sainte, une chasteté à l’abri de toute souillure, une sobriété pleine de modestie sont à pratiquer toujours ; que nous soyons sur la place publique ou dans notre maison, sous les regards de nos semblables ou dans le secret de nos demeures, que nous parlions ou que nous gardions le silence, que nous agissions ou que nous nous tenions en repos, nous ne devons jamais négliger de faire ces actes de vertu que je viens d’énumérer, parce qu’ils n’exigent pas d’autres efforts que ceux de l’âme. Toutefois, pourrait-on nommer tous ces actes intérieurs ? Ils forment comme une armée, l’armée du prince qui habite en ton âme, au fonds de ton cœur. De même qu’un prince occupe ses soldats à ce qui lui plaît ; ainsi, quand NotreSeigneur Jésus-Christ commence à demeurer par la foi dans notre homme intérieur[1], c’est-à-dire dans notre âme, il emploie toutes ces vertus comme des ministres soumis à ses ordres. Ces vertus ne peuvent se voir des yeux du corps, et, cependant, il suffit de les nommer pour en faire l’éloge ; mais on ne les louerait pas sans les aimer, et, sans les voir, on ne les aimerait pas ; et puisqu’on ne peut les aimer si on ne les voit, on les voit donc avec d’autres yeux, c’est-à-dire avec lesyeux

  1. Eph. 3, 17