Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/225

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intérieurs de l’âme. Ces vertus invisibles communiquent aux membres du corps un mouvement visible ; sous leur influence, les pieds marchent ; pour où aller ? Là où les conduira la bonne volonté, qui se trouve au service du bon prince. Les mains travaillent, mais que font-elles ? Ce que commande la charité, intérieurement inspirée par l’Esprit-Saint. On voit agir les membres, sans voir le moteur caché qui leur commande de remuer. Qui est-ce qui les pousse à agir ? Il n’y a guère, pour le savoir, que celui qui commande, et, intérieurement, celui qui reçoit les ordres.


2. Voilà, mes frères, ce que vous venez d’apprendre, au moment où l’on vous donnait lecture de l’Evangile ; vous le savez certainement, si vous avez prêté à cette lecture, non-seulement l’oreille de votre corps, mais aussi celle de votre cœur. Que dit le Sauveur ? « Prenez garde de faire vos bonnes œuvres devant les hommes, afin qu’ils vous voient[1] ».  A-t-il voulu dire que tout ce que nous faisons de bon, nous devons le dérober aux regards des hommes, et craindre qu’on le voie ? Si tu redoutes d’avoir des témoins, tu n’auras pas d’imitateurs ; il faut donc qu’on t’aperçoive ; mais ce n’est pas dans le dessein de te faire voir, que tu dois agir. Ni le motif, ni le but de ta joie ne doivent être d’avoir été aperçu, d’avoir reçu des éloges, comme si tes bonnes actions ne devaient pas avoir d’autre résultat. Tout cela n’est rien. Méprise les louanges qu’on te donne ; qu’en toi soit loué celui qui se sert de toi pour agir. Quand tu fais le bien, ne travaille donc point pour ta propre gloire, mais pour la gloire de Celui qui te donne la grâce de bien faire. De ton chef vient le pouvoir de mal agir ; de Dieu vient celui de bien faire. Les méchants considèrent les choses d’une tout autre façon ; voyez comme ils raisonnent à rebours. Ce qu’ils font de bien, ils prétendent se l’attribuer ; s’ils font mal, c’est à Dieu qu’ils s’en prennent. Retourne ce je ne sais quoi de tordu et de fait à contre-sens ; cette manière de procéder, mets-lui en quelque sorte la tête en bas ; ce qui est en haut, fais-le descendre ; ce qui est en bas, place-le en haut. Veux-tu placer Dieu au dernier échelon, pour te placer au premier ? Au lieu de t’élever, tu tombes à terre, car Dieu est toujours au dessus. Eh quoi ! serais-tu doncbien, tandis que Dieu serait mal ? Si tu veux parler plus vrai, dis plutôt : Je suis mal, Dieu est bien ; et ce que je suis en bien vient de lui, parce que tout ce que je fais de moi-même est mal. Cet aveu affermit le cœur ; il constitue le fondement de la charité. En effet, si c’est pour nous un devoir de cacher le bien que nous faisons, afin que personne ne s’en aperçoive, que deviendra la leçon faite par le Sauveur dans son discours sur la montagne ? Un peu avant de nous recommander l’humilité dans les bonnes œuvres, il a dit : « Que vos bonnes œuvres paraissent aux regards des hommes ». Il ne s’est pas arrêté là ; il n’a pas terminé là sa recommandation, car il a ajouté : « Afin qu’ils glorifient votre Père, qui est dans les cieux[2] ». Que dit aussi l’Apôtre : « Les églises de Judée, qui sont dans le Christ, ne me connaissaient pas de figure ; seulement, elles entendaient dire : « Celui qui nous persécutait jadis, prêche maintenant la foi qu’il cherchait précédemment à détruire ; et, en moi, elles glorifiaient Dieu[3] ». Il avait cette belle réputation. Voyez, néanmoins, comment il l’a fait tourner, non point à sa propre gloire, mais à la gloire de Dieu. Autant que cela dépend de lui, ce destructeur de l’Eglise, ce persécuteur jaloux et méchant avoue lui-même ce qu’il a été ; ne lui jetons pas la pierre. Paul aime à nous entendre rappeler ses fautes, afin que celui qui a guéri de telles faiblesses, soit glorifié ; car la main du médecin a sondé la profondeur de ses plaies et les a cicatrisée. La voix de Dieu, descendue des cieux, a jeté par terre un persécuteur et fait lever un prédicateur ; elle a tué Saul, et communiqué la vie à Paul[4]. Saül avait persécuté un saint homme[5]. De là le nom que portait Saul, quand il persécutait les Chrétiens. Plus tard, de Saul il est devenu Paul[6]. Que veut dire le mot Paul ? Petit. Quand c’était Saul, c’était un homme superbe, bouffi d’orgueil ; quand ce fut Paul, ce fut un homme humble, petit. Aussi, quand. nous disons : Je vous verrai bientôt après, paulo post, c’est comme s’il y avait post modicum, après un petitintervalle. Que Paul soit devenu petit, en voici la preuve : « Car je suis le moindre des Apôtres[7] » ; il dit encore ailleurs : « Moi, le plus petit d’entre les saints[8] ». Ainsi était-

  1. Mt. 6, 1
  2. Mt. 5, 16
  3. Gal. 1, 22-24
  4. Act. 9,1 ssq
  5. 1 Sam. 19,1 ssq
  6. Act. 13, 9
  7. 1 Cor. 15, 9
  8. Eph. 3, 8