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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/366

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avouer qu’il est lui-même le seul auteur de sa propre incrédulité. Qu’Élisabeth brille comme une lampe ardente, et que le prêtre Zacharie soit sévèrement puni. Élisabeth recevait la lumière, et Zacharie était condamné au silence ; Élisabeth concevait par la foi et Zacharie incrédule devenait muet, en punition de ce doute qu’il avait émis : « Comment croirais-je à cette parole ? car je suis vieux et ma femme est très-avancée en âge[1] ». O mystère dans un prêtre ! Il offrait l’encens pour les autres, et il ne reconnaissait pas Dieu présent. Il sent quelle est la force de Dieu, et il refuse son acte de foi ; puisqu’il ne croit pas, c’est à juste titre qu’il reste muet.

2. Élisabeth, saisie de confusion, refusait de sortir et restait plongée dans l’admiration et l’étonnement que lui causaient toutes les merveilles dont sa fécondité miraculeuse était la suite. En effet, elle était très-avancée en âge et ne croyait plus à la possibilité naturelle de devenir mère. Elle resta stérile, quand elle eut voulu la fécondité, et elle engendra à un âge où la vieillesse ne lui laissait ni espoir ni désir. Après avoir été stérile dans sa jeunesse, elle allaita son enfant dans la vieillesse ; à l’âge de quatre-vingt-dix ans, elle vit pour la première fois un enfant s’ébattre dans ses bras ; un tel prodige était l’œuvre du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et le fruit de la promesse, en dehors de toutes les prévisions des époux. Ici encore, quand elle est abandonnée à elle-même, la volonté des hommes doit avouer sa complète impuissance. Or, Dieu voulait la naissance de celui qu’il appelait à la mission de prophète.

3. Bientôt s’opère cette naissance de saint Jean, impatiemment attendue par son père ; car, depuis la promesse qui en avait été faite, il était resté muet en punition de son incrédulité à l’oracle divin. Depuis ce moment, Zacharie avait continué, à son tour, de remplir les fonctions de prêtre dans le temple, exhalant d’abondantes prières du fond de son cœur, mais dans une impuissance absolue de faire concourir sa langue et sa voix. Avant de naître, l’enfant avait tressailli dans le sein de sa mère, et y avait commencé sa mission prophétique. La mère du Sauveur était venue visiter Élisabeth, mère de saint Jean ; Élisabeth s’écria : « Sitôt que la voix de votre salutation a retenti à mes oreilles, l’enfant que je porte a tressailli de joie dans mon sein[2] ». Et quelle parole prophétique a-t-elle fait entendre ? D’où me vient ce bonheur que la « Mère de mon Dieu ait daigné me visiter[3] ? » O profonde humilité ! La mère du Sauveur est venue visiter la mère du Précurseur. Jean a salué Jésus-Christ, quand tous deux étaient encore renfermés dans l’obscurité des entrailles maternelles. En effet, le Sauveur habitait dans le sein de Marie, et saint Jean dans le sein d’Élisabeth. Il est donc bien vrai, cet oracle divin : « Avant que tu fusses dans le sein de ta mère, je te connaissais, et je t’ai sanctifié dans les entrailles maternelles[4] ». Saint Jean n’était pas encore né, et déjà il avait prophétisé. Les nuits ont parlé, les jours se sont salués. De là cette parole : « Le jour annonce le jour au Verbe, et la nuit parle à la nuit[5] » de Jésus-Christ.

4. La prophétie est accomplie ; ce qui était obscur se trouve révélé ; c’est-à-dire : saint Jean naît aujourd’hui, le nom de Jean est écrit sur les tablettes, et la langue de Zacharie est déliée. Heureux, mes frères, ceux qui reçoivent de tels gages ; heureuses les mères de tels enfants ; grand sera leur bonheur, puisqu’elles ont mérité de se voir élevées à un tel degré de gloire. Ce jour est la source d’une grande joie, parce qu’une femme, jusque-là stérile, a enfanté un fils, et parce qu’un père, frappé de mutisme, a recouvré la parole. Le flambeau est envoyé avant le soleil, le serviteur avant le maître, l’ami avant l’époux, le héraut avant le juge, la voix avant le Verbe. Voilà pourquoi saint Jean a dit de lui-même : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert[6] ». Les autres Prophètes n’ont annoncé que longtemps auparavant la venue du Messie ; saint Jean, qui l’avait annoncé dans le sein de sa mère, l’a montré après sa naissance ; il a proclamé la présence sur la terre de Celui à qui appartiennent la gloire et l’empire ; dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

  1. Luc. 1, 18
  2. Luc. 1, 44
  3. Id. 43
  4. Jer. 1, 5
  5. Psa. 18, 5
  6. Mat. 3, 33