Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/384

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l’aurore, et vous recouvrerez bientôt votre santé ; votre justice marchera devant vous, et la gloire du Seigneur vous protégera. Alors vous invoquerez le Seigneur, et il vous exaucera ; vous crierez vers lui, et il vous dira : Me voici[1] ». En suivant cette conduite, l’homme, même en dehors des époques du jeûne, obtient fréquemment ce qu’il désire, et dans les temps de pénitence il acquiert des titres plus abondants à la reconnaissance.
3. Tel est le jeûne que Jésus-Christ désire ; tel est le jeûne agréable au Dieu tout-puissant. Comme on le voit, ce jeûne n’est pas inspiré par le souvenir des fautes graves et nombreuses, par le désir d’acquérir la gloire temporelle, ou par la vaine cupidité d’accroître son patrimoine, mais par le sentiment religieux et par une franche et sincère dévotion. Que des œuvres vraiment pieuses viennent s’ajouter à d’aussi belles dispositions, et alors il sera impossible de déterminer les heureux fruits qui en résulteront. Le chrétien sentira que Dieu lui est propice et le favorise de son auguste présence. Accomplissez donc les œuvres de miséricorde, et vous aurez sanctifié votre jeûne. Aux pauvres affamés donnez la nourriture, et les faveurs de la sainteté engraisseront votre âme. Donnez des vêtements à celui qui est nu, et vos péchés seront couverts. Empressez-vous d’offrir l’hospitalité au voyageur, afin que Dieu vous reçoive dans son royaume, par Jésus-Christ Notre-Seigneur, à qui appartiennent l’honneur et la gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

SOIXANTE-HUITIÈME SERMON. SUR LE FAUX AMI.

ANALYSE. —1. Le faux ami est pire qu’un ennemi déclaré. —2. Peinture du faux ami. —3. Trahison de Judas. —4. Comparaison entre Judas et saint Pierre. – Conclusion.


1. L’Esprit-Saint qui répartit sur toutes choses la protection, la nourriture et la conservation, daigne prévenir l’innocence contre tous les périls, dans la crainte que la simplicité imprévoyante ne soit déçue par sa simplicité même. Écoutons l’avertissement que le Seigneur nous donne par l’organe de Salomon : « Ne vous confiez jamais à votre ennemi[2] ». Oui, dira quelqu’un, je me renferme dans une grande prudence à l’égard de mon ennemi ; mais que dois-je faire à l’égard d’un faux ami ? Ma réponse sera celle du prophète David : « Je ne dois pas craindre ». Puisqu’il n’a pas craint, ne craignons pas, et disons avec lui : « Le Seigneur est mon protecteur, je ne craindrai de tout ce que l’homme pourra me faire[3] rien ». Vous insistez ; la malice d’un ennemi se déclare ouvertement, tandis que la cruauté d’un faux ami s’enveloppe de ténèbres ; je vois ce que je dois éviter dans un ennemi ; mais puis-je sonder le cœur d’un faux ami que j’aime ? La haine de mon ennemi m’est bien connue ; en est-il de même de la fourberie d’un faux ami ? Tout m’invite à me mettre en garde contre un ennemi ; mais je ne vois rien à soupçonner dans un faux ami. Dans un ennemi j’évite ce que je vois ; dans un faux ami comment puis-je remarquer quelque chose ? Son amitié trompeuse me jouera et s’assurera de ma crédulité. De là cette prière de David : « Arrachez-moi, Seigneur, à l’homme mauvais, délivrez-moi de l’homme inique[4] ». En effet, un ennemi

  1. Is. 58, 5-9
  2. Eccl. 12, 10
  3. Ps 55, 11
  4. Ps. 139, 2