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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/399

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que le Verbe lui tenait lieu d’intelligence et de pensée. Ainsi l’a dit Apollinaire. Mais, selon les Ariens, il n’eut aucune âme. Pour vous, croyez fermement que le Christ tout entier, c’est le Verbe, et une âme, et un corps. Et quand vous entendez cette parole : « Mon âme est triste jusqu’à la mort », comprenez que c’est une âme humaine, et non l’âme de la bête ; car une âme sans intelligence, est l’âme de la bête, et non l’âme de l’homme. Seul donc le Christ est le Verbe, et une âme, et une chair. Quand tu frappes un homme à coups de poings, que frappes-tu en lui ? son âme ou sa chair ? Avoue que c’est la chair. Et pourtant c’est l’âme qui crie : Pourquoi me frapper, pourquoi me blesser ? Or, si tu disais à l’âme : Oh ! qui t’a frappée ? je frappe la chair, et non toi : quiconque t’entendrait parler ainsi, ne se rirait-il pas de toi, ne te prendrait-il pas pour un idiot, un insensé ? De même donc, ceux qui ont fouetté la chair du Verbe de Dieu, qui l’ont souffleté, ne sauraient dire : C’est la chair que nous avons fouettée, ou souffletée, mais non le Verbe, non l’âme du Christ. Car c’est tout le Christ qu’ils ont fouetté et souffleté, le Christ qui est Verbe, et âme, et chair. Et quoiqu’ils n’aient pu mettre à mort sur la croix, ni son âme, ni sa divinité, qui est la véritable vie, dans leurs cœurs, néanmoins, dans leur volonté perverse, ils se sont fait une joie de mettre à mort le Christ tout entier. Persécuter un homme jusqu’à le tuer, c’est vouloir son extinction, comme on veut l’extinction d’une lampe que l’on brise à terre, afin qu’elle ne gêne plus le malfaiteur qui voit un obstacle dans sa lumière. C’est ce que l’on ne saurait faire complètement dans un homme, c’est-à-dire qu’on ne saurait l’éteindre complètement, puisqu’il est formé d’une substance mortelle, à la vérité, mais aussi d’une autre qui est immortelle. Rien, en effet, n’est mortel en lui que la chair. Or, le Christ, Fils unique de Dieu, pouvait d’autant moins mourir tout entier, quand les Juifs crurent le mettre à mort, qu’il est formé de trois substances, c’est-à-dire d’une qui est éternelle et divine, et de deux autres qui sont temporelles, ou humaines, mais dont l’une seulement, ou la chair, est mortelle. Quant à l’âme, et surtout à la Divinité, il était, sans aucun doute, immortel. De là vient que lui seul, par sa mort d’un moment, a pu nous racheter de notre mort éternelle, lui qui n’avait pas seulement une chair et une âme humaine, mais qui était Dieu, et âme, et chair, seul engendré de Dieu. Celui, en effet, « qui est descendu jusque dans les lieux inférieurs de la terre, est aussi celui qui est monté par-dessus tous les cieux[1] ». Ce que ne pourrait faire quiconque ne serait qu’un homme.

8. Tressaillons donc en toute sécurité, livrons-nous à l’allégresse, mes frères bien-aimés, puisqu’il nous a rachetés, par sa mort, Celui qui, tout mort qu’il était, a triomphé de ses ennemis. C’est dans les bras de la mort qu’il a tué la mort elle-même, et nous a délivrés éternellement de sa puissance ; « puis, s’élevant au ciel, il a emmené captive la captivité elle-même », et a répandu ses dons sur les hommes, en nous envoyant l’Esprit-Saint ; c’est lui qui, du sépulcre où il était couché, a pu introduire dans le ciel le larron devenu fidèle.

  1. Eph. 4, 10