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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/459

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faites-moi connaître ma fin ». Déjà cette fin, qui est la tienne, est connue de toi. Comment s’est-elle fait connaître à toi ? Ta fin a été pauvre, ta fin a été humble, ta fin a été souffletée, ta fin a été couverte de crachats, ta fin a été en butte au faux témoignage. « J’ai mis un frein à ma bouche, quand le pécheur s’élevait contre moi ». Lui-même encore s’est fait ta voie. « Celui qui dit qu’il demeure en Jésus-Christ, doit marcher lui-même comme Jésus-Christ a marché[1] ». Il est la voie, marchons maintenant, sans craindre de nous égarer. Ne marchons pas en dehors de la voie, car il est dit : « Ils ont placé près du chemin des pièges pour me prendre, ils ont a ouvert pour moi un précipice près du chemin[2] », Et voici la miséricorde. Afin que tu évites le piège, tu as pour voie la miséricorde. « Seigneur, faites-moi connaître ma fin ». Telle est donc votre fin, imitez le Christ votre rédempteur. « Soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ[3] ». Quand est-ce que Paul imita le Christ ? Écoutez ses paroles. « Dans la faim et dans la soif, dans le froid et dans la nudité[4] », et le reste, jusqu’à ces autres : « Qui donc est scandalisé sans que je brûle ?[5] » Je me suis fait tout à tous, afin de les gagner tous[6]. J’ai mis un frein à ma bouche, quand le pécheur s’élevait contre moi ». Ainsi dit saint Paul, mes frères. « Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? » Écoute la fin. « Qui pourra me séparer de l’amour du Christ ? la tribulation, l’angoisse, la persécution, la nudité, le péril ? » Quel homme, plein d’amour, de ferveur, qui court, qui arrive ! Que pouvait endurer cette âme ? quelle ferveur, quel enseignement ! « Qui me séparera de l’amour du Christ ? l’angoisse », et le reste jusqu’à ces paroles : « ou le glaive ? » Voilà ce qu’il a souffert ; et de peur qu’on ne croie qu’il en tire vanité, il ajoute : « Mes frères, je ne prétends pas être arrivé[7] ».

11. Mais pourquoi maintenant : « Faites-moi connaître, Seigneur, quelle est ma fin et quel est le nombre de mes jours » : combien j’ai de jours ici-bas. De quoi te servira de connaître ces jours ? « Afin de savoir ce qui me manque ». Oui, ce qui me manque, mais pour l’éternité. Écoute aussi Paul. Après de si grands travaux qu’il énumère, « je ne me flatte point d’être arrivé ». Écoute-le nous dire : « Ce qui me manque ». Que nul ne dise : J’ai beaucoup jeûné, beaucoup travaillé, beaucoup pardonné ; j’ai accompli tous les préceptes de Dieu. Je l’ai fait hier, je l’ai fait aujourd’hui, et il y aura encore un aujourd’hui, si tu l’as fait quelquefois. Hier a toujours un aujourd’hui. Si tu arrives au lendemain, ce sera un aujourd’hui, et dans dix ans, si tu vis, ce sera aujourd’hui. Dis donc chaque jour : Qu’est-ce qui me manque aujourd’hui ? Si Paul, en effet, ce laborieux champion du ciel, si Paul, après tant de travaux, de si sublimes révélations, Paul ravi jusqu’au troisième ciel, pour entendre d’ineffables paroles, dut néanmoins ressentir l’aiguillon de la chair qui l’humiliait, de peur que ses révélations ne lui donnassent de l’orgueil, qui oserait dire : Il me suffit ? De là donc cette parole du Prophète : « Seigneur, faites-moi connaître ma fin ». Voilà que tu as devant toi le Christ qui est ta fin. Tu n’as plus rien à chercher. Croire, pour toi, c’était connaître. Cependant la foi ne suffit point seule, il faut la foi et l’œuvre. L’une et l’autre sont nécessaires. « Car les démons aussi croient et tremblent[8] », vous a dit l’Apôtre ; et la foi ne leur sert de rien. C’est peu que la foi seule, si l’on n’y joint les œuvres. « C’est la foi qui agit par la charité[9] », dit l’Apôtre. « Faites-moi connaître, Seigneur, quelle est ma fin et quel est le nombre de mes jours ». C’est ce qui ne se dit point, car si chacun de nous connaissait l’heure de sa mort, il prendrait la résolution de bien vivre en ce moment. De là cette parole du Maître qui voulait nous laisser dans l’inquiétude, et à qui l’on demandait le jour et l’heure : « Quant au jour et quant à l’heure, nul n’en sait rien[10] », dit-il. Car il ne voulait pas le leur enseigner. « Pas même le Fils », a-t-il ajouté. C’est-à-dire, il n’est pas utile pour vous de le savoir, vous en seriez négligents, et non pleins de sollicitude. Mais votre vie en sera d’autant plus pure, quand vous serez dans l’ignorance du jour ; car ce n’est pas que je l’ignore, puisque « tout ce qui est à mon Père est à moi[11]. Faites-moi connaître, ô mon Dieu, quelle est ma fin, et quel est le nombre de mes jours ». Faites-le-moi connaître, de manière à me tenir dans une inquiétude continuelle,

  1. 1Jn. 2, 6
  2. Psa. 129, 6
  3. Phi. 3, 17
  4. 2Co. 11, 27-29
  5. 2Co. 9, 22
  6. Rom. 8, 35
  7. Phi. 3, 13
  8. Jac. 2, 19
  9. Gal. 5, 6
  10. Mrc. 13, 32
  11. Jn. 16, 15