Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/466

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ainsi que Dieu agit quelquefois. Ou tu connais ses motifs d’agir, et tu le bénis ; ou tu les ignores, et tu crois si tu as le cœur droit. Tel homme, en effet, a le cœur droit, qui bénit Dieu dans les causes qu’il découvre et qui n’accuse pas Dieu de son ignorance quand il ne comprend point. Il y a injustice, ô homme, qui gouvernes ta maison, il y a folie de te blâmer, quand on ignore les motifs de tes actions, quand on ignore tes desseins ! Et toi, tu oses bien t’en prendre à Celui qui gouverne le monde entier, au Créateur du ciel et de la terre, quand le vent souffle, quand la vigne meurt, quand un nuage s’élève et vomit la grêle ? Loin de toi tout blâme. Dieu sait diriger et compter toutes ses œuvres. Assurément tu n’as pu bâtir le ciel et la terre, et pourtant, peu s’en faut que tu ne dises à Dieu : Ah ! si je gouvernais, je m’y prendrais autrement. Qu’une chose te déplaise dans les œuvres de Dieu, ne voudrais-tu pas gouverner le monde ? Honte à toi. Vois à qui tu voudrais succéder. Toi, mortel, à Celui qui est immortel ; toi, homme, à Dieu ! Il est mieux à toi de lui céder, que de chercher à lui succéder. Cède à Dieu, parce qu’il est Dieu, lui qui, en agissant quelquefois contre ta volonté, n’agit cependant point contre ton bien. Combien de fois les médecins n’agissent-ils pas contre le gré des malades, sans rien faire contre leur santé ? Or, un médecin se trompe quelquefois, mais Dieu, jamais. Si donc tu te confies au médecin qui se trompe, si tu as confiance à un homme, non-seulement pour panser une plaie, ce qui est peu de chose, ou pour poser un appareil souvent douloureux ; mais pour brûler, pour trancher, pour amputer un de tes membres né avec toi ; si tu as foi en lui, tout en disant Celui-ci peut-être se trompe, et j’en serai pour un doigt de moins ; si tu lui permets d’enlever ton doigt de peur que la gangrène ne gagne tout le corps, ne permettras-tu pas à Dieu de trancher, afin de récolter en toi quelques fruits, si tu es assez sage pour pratiquer l’obéissance ?

9. Ayez donc, mes frères, le cœur droit, c’est-à-dire que Dieu ne vous déplaise en rien. Loin de moi de vous dire de ne point prier ; au contraire, priez dans l’affliction, autant que vous le pouvez. Refuse-t-il la pluie, il faut le prier ; nous la donne-t-il, bénissons-le ; mais dût-il la refuser, qu’il faut le louer et le prier. Nous ne vous prêchons pas de ne pas prier. Parfois il se laisse fléchir et accorde à ceux qui demandent, refusant tout à ceux qui ne demandent point. Dieu veut qu’on le prie, au point de ne rien accorder qu’à la prière. Mais alors l’âme la plus humble contribue à la grandeur de Dieu, s’il vient à son secours dans la tribulation, de manière à nous consoler quand nous prions dans nos épreuves. S’il est miséricordieux envers nous, c’est pour notre avantage et non pour le sien. Vois en effet combien il serait malheureux que le monde eût pour toi des douceurs et Dieu des amertumes, lui qui a fait le monde. Ne faudrait-il pas te changer, te redresser, pour avoir le cœur droit ? Que le monde alors ait pour toi des amertumes, et Dieu des douceurs. Que le Seigneur notre Dieu répande alors des amertumes sur les biens de ce monde. Oui, qu’il y répande l’amertume ? Jouir ici-bas, être dans l’abondance, regorger de délices, oublier Dieu, voilà ce qui plaît. A-t-on quelque superflu d’argent[1], on l’emploie en frivolités, on refuse d’en faire un noble usage, d’acheter le ciel à ce prix ; on s’obstine à perdre cet argent, et soi-même, et les autres compagnons de dépenses. Ne voulez-vous donc point que Dieu retranche le superflu, pour empêcher la gangrène de s’étendre partout ? Dieu sait ce qu’il doit faire. Laissons-le agir, abandonnons-nous à ses soins qui nous guériront, et ne donnons pas de conseils au médecin. Tournons-nous vers le Seigneur, etc.

  1. Cette phrase paraît une interpolation.