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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/553

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qu’elle avait persuadé à ceux qu’elle avait déjà envoyés au ciel ? Voici ce qu’elle avait dit de « prime abord à ses enfants : Mes amis, je ne sais comment vous êtes apparus dans mon sein, je ne vous ai donné ni la vie ni l’esprit, ce n’est point moi qui ai formé votre visage et vos membres. Le Créateur du ciel, de la terre, de la mer et de tout, ce qu’ils renferment, « Celui qui a donné le commencement à toutes choses, Dieu seul vous a donné le souffle et l’intelligence, et pétri votre visage et vos membres : aujourd’hui vous faites le sacrifice de vos corps pour maintenir ses saintes lois, mais il vous les rendra dans sa miséricorde ». Cette femme était leur mère, et voilà ce qu’elle savait leur dire, car elle aimait Dieu de tout son cœur.
4. Le saint patriarche Abraham nous semble digne d’admiration pour avoir offert son fils à Dieu : combien plus admirable cette femme doit nous apparaître, puisqu’en un seul et même jour elle a généreusement envoyé au martyre et au ciel ses sept enfants ! Au plus jeune et au dernier de tous, elle disait : Mon enfant, tu es le seul qui me restes ; après avoir autrefois mis le comble à mes veaux, puisque tu es sorti le dernier de mes entrailles, mets aujourd’hui le comble à ma joie : je t’en supplie, je t’en conjure. Sois bon pour moi, mon enfant ; car je t’ai porté de longs mois dans mon sein : ne flétris pas ma vieillesse en un instant, ne souille pas l’éclat du triomphe de tous tes frères, ne te sépare point de leur société, ne renonce point à en faire partie. O mon fils, lève les yeux vers le ciel d’où te sont venus la vie et l’esprit ; porte tes regards vers la terre qui t’a fourni une nourriture abondante ; contemple tes frères, ils t’appellent à partager leur sort ; considère celle qui t’a allaité l’espace de trois ans, après t’avoir donné le jour ! Que ta piété filiale me récompense ; renonce à la vie, suis tes frères, écoute la voix de ta débile mère, de celle qui t’a mis au monde. Le roi Antiochus te promet les richesses et les honneurs de la terre : je t’en conjure, cher enfant, remarque-le bien, sois-en convaincu : tout cela n’est que vanité, parce que tout cela est assujetti aux vicissitudes et à la caducité du temps, et que rien de cela n’est éternel. Dieu seul promet l’éternité ; seul, il ne se trompe pas et n’induit personne en erreur. Mon enfant, souviens-toi du Seigneur ton Dieu ; rappelle-toi ces paroles venues d’en haut, qu’un prophète a prononcées, et que tu as lues ou entendues : « Vanité des vanités, tout est vanité[1] ». O mon fils ! ne crains pas le roi Antiochus ; il te ravira pour un temps la vie du corps, c’est vrai ; mais crains ton Dieu, car il te réunira corps et âme, au sein de la vie éternelle, avec tes frères. Le Seigneur vous a donnés à moi comme sept beaux jours : six d’entre eux ont déjà fini, parce que j’ai déjà envoyé ton sixième frère vers le Tout-Puissant, et qu’à mes yeux leurs œuvres ont paru bonnes ; puisque tu es le septième, il faut que je me repose en toi des travaux auxquels je me suis livré dans les six autres. Le Seigneur Dieu, vers lequel vous dirigez votre course et vos pas, ne s’est-il point reposé de toutes ses œuvres le septième jour ? Moi aussi, après avoir versé tant de larmes, je me reposerai. Soutenu par cette exhortation de sa mère, inspiré par l’Esprit-Saint, le jeune martyr s’écria : « Qu’espérez-vous, qu’attendez-vous de moi ! Je ne consens ni ne me rends aux ordres d’un faux roi, je n’obéis qu’à Dieu ! » Vous savez le reste de sa réponse. Il rendit donc l’esprit comme ses frères, sans avoir souillé la robe de son innocence. Après tous ses enfants la mère mourut aussi : oui, elle est morte pour le monde, mais elle vit pour Dieu ; car pouvait-elle vraiment mourir, après avoir, par amour pour Dieu, excité ses enfants à souffrir le martyre ? Évidemment, non. Ils vivent tous sous l’autel des cieux, car le Seigneur est le Dieu, non des morts, mais des vivants.
5. Mes frères, les justes de l’ancienne loi ont donc souffert pour la défense des divines figures de la loi nouvelle. Nous faisons l’éloge des trois enfants hébreux et de Daniel, nous exaltons leur mémoire, parce qu’ils n’ont point voulu se souiller en mangeant des mets royaux ; nous avons dit, en l’honneur des Machabées, de bien belles choses, et nous venons de payer à leur souvenir le tribut de notre vénération profonde, parce qu’ils n’ont point voulu accepter une nourriture et des aliments dont les chrétiens font aujourd’hui un usage autorisé ; alors, que devons-nous souffrir nous-mêmes, que devons-nous endurer pour le Christ, pour le Baptême, pour l’Eucharistie, pour le signe de la Croix ? Autrefois, les aliments précités n’étaient que l’indice de l’avenir ; aujourd’hui, le Christ,

  1. Ecc. 1, 2