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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/562

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des chevalets, puis, quand ils étaient abattus, des bourreaux cruels, armés d’ongles de fer, leur perçaient les côtes avec ces instruments de torture. Ainsi punissait-on des hommes qui ne s’étaient rendus coupables d’aucune faute. Où trouver un être assez méchant par nature, pour vouloir le supplice d’un innocent ?

DIX-HUITIÈME SERMON. POUR LA FÊTE DES SAINTS MARTYRS FÉLIX ET ADAUCTE. II

ANALYSE. —1. Nom de Félix providentiellement donné à ce saint. —2. Son heureuse victoire.


1. C’est un jour heureux, illustre et honorable, c’est un jour qu’on devra célébrer dans tous les temps, le jour qui concorde avec le nom de Félix, et qui a mis le comble à son bonheur en lui procurant la couronne de la victoire. Au moment où sa mère lui donnait le jour, Jésus-Christ lui marquait sa place de bienheureux dans le ciel. Ce que son nom présageait obscurément, son triomphe l’a manifesté d’une manière éclatante ; et de là, nous pouvons conclure, sans crainte de nous tromper, que nous n’avons rien à perdre avec Dieu, et que toute grâce excellente, tout don parfait vient de lui [1]. En le choisissant d’avance pour en faire un martyr, le Seigneur lui-même a voulu qu’on lui donnât le nom de Félix, et comme il l’avait prédestiné à la gloire éternelle, il a voulu que ses parents devinssent prophètes en lui appliquant son vocable. Ainsi en fut-il de Jérémie : il était né pour Dieu même avant d’être conçu. Nous le voyons souffrir de la perfidie des hommes ; les incrédules attentent à sa vie, les impies l’accablent du poids de leur méchanceté ; ses concitoyens ne sont, pour lui, que des ingrats ; et ses frères, des furieux dont il lui faut endurer les mauvais traitements. Les Juifs frémissent contre le Prophète du ciel ; ils se laissent emporter, envers lui, à tous les excès de la colère ; à voir leurs mouvements, on dirait des chiens enragés ; et, pourtant, ils restent incapables d’effacer ce que Dieu a écrit, ils sont impuissants, malgré toutes leurs machinations, à détruire l’édifice dont le Seigneur a établi la base en choisissant son Prophète. « Avant de t’avoir formé dans les a entrailles de ta mère, je t’ai connu ; avant que tu fusses sorti de son sein, je t’ai sanctifié ; je t’ai établi Prophète parmi les nations[2] ». O immuable disposition, ô puissance souveraine de la volonté de Dieu ! Elle donne l’être à ce qu’elle veut, elle le choisit avant de le créer ; avant de le tirer du néant, elle le sanctifie ; elle daigne établir ce qu’elle doit aimer, et fait naître ce qu’elle gouvernera. Contre ces infaillibles desseins, pourquoi l’aveugle esprit de l’homme s’inscrit-il en faux ? Que sert à sa méchanceté débile et sans forces de se révolter contre la puissance d’en haut ? Sans doute, le saint prophète Jérémie a couru toutes sortes de dangers au milieu de ses parents et de la part de ses proches, mais aucun changement n’a été apporté aux projets de l’Éternel.
2. Venons-en maintenant au courageux et fortuné soldat, en qui doivent s’exécuter les plans de la divine Providence. Les hommes ne savaient donc pas quelles vues secrètes l’éternelle sagesse avait jetées sur lui ; le persécuteur et le bourreau s’acharnaient inutilement

  1. Jac. 1, 17
  2. Jer. 1, 5