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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/589

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qui n’a commis aucun péché[1], qui a appelé les pécheurs, a prié pour eux, et leur a pardonné leurs fautes. De tous ses membres, les uns appartiennent à son corps, les autres sont tombés à terre ; les premiers sont attachés aux seconds, et ceux-ci se prosternent pour se relever. Un homme sage qui n’oublie point sa condition humaine peut-il voir tomber un de ses semblables et s’enorgueillir de ce que lui-même reste debout ? Ici, tous ne sont point dans l’état de péché, mais, pour tous, la faiblesse est la môme ; ils sont unanimes à demander afin que les pécheurs reçoivent, et à frapper pour qu’on leur ouvre ; ceux-ci se trouvent dans l’affliction, et tous éprouvent de la douleur, et, quand ils seront revenus à la santé, tous se réjouiront.
3. Puisse l’ennemi caché du genre humain éprouver avec ses anges, en voyant ces pécheurs se relever, un tourment pareil à la joie qu’il a ressentie en les voyant tomber ! Pour commettre l’iniquité, ils se sont mis d’accord avec lui ; mais ils ne l’ont pas fait en ce sens qu’ils veuillent encore tirer leur gloire de leur chute ; ils ont été blessés, mais ils ne refusent pas le remède ; ils se sont éloignés de leur Maître, mais ils n’ont pas la volonté de ne point revenir à lui. Par conséquent, celui qu’ils n’ont point su vaincre par la mortification, la pénitence les en a rendus victorieux ; elle seule triomphe de l’ennemi, même quand il triomphe, et, par elle seule, l’accusateur est réduit à l’impuissance, non pas quand on nie ses propres fautes, mais quand on les avoue. La pénitence enlève la douleur à la douleur, et préserve de la vengeance en affligeant. Pour ne point rencontrer dans notre juge un vengeur de nos fautes, mais pour trouver un Dieu Père qui nous reçoive dans ses bras, nous nous punissons par les œuvres de la pénitence, et, par là, nous tirons vengeance de nous-mêmes. Ainsi a-t-il, en quelque sorte, puni sa prévarication, ainsi a-t-il porté contre lui-même un jugement sévère celui qui, revenant d’un pays lointain, a dit à son père : « Je ne suis pas digne d’être appelé votre fils[2] ». Et son père l’a regardé comme d’autant plus digne de porter ce titre, qu’il s’en était reconnu plus indigne. La pénitence torture le cœur, mais, en un rien de temps, elle écarte toute condamnation aux tourments éternels. Ineffable bonté de Dieu ! En niant nos fautes, nous ne réussirons jamais à lui donner le change ; il nous suffit d’en faire l’aveu pour l’apaiser. Nous aurons beau garder le silence sur nos iniquités, jamais nous ne les déroberons à sa vue ; confessons-les, et il nous les pardonnera. Sans doute, nous n’apprenons rien à Dieu en confessant nos faiblesses, mais par cela que nous nous déplaisons sous le même rapport qu’à lui, nous faisons de grands efforts pour nous en approcher. Ainsi s’exprime le Psalmiste : « J’ai dit : Je confesserai contre moi mes prévarications au Seigneur, et vous m’avez pardonné l’énormité de mon crime[3] ». Je confesserai, non pas d’une manière quelconque, mais contre moi, mes prévarications au Seigneur. Telle est la vertu de la pénitence, qu’en parlant contre lui-même, le pécheur agit dans son propre intérêt. Dieu déteste, en effet, le pécheur ; aussi aime-t-il l’homme qui se déteste comme pécheur, car celui-ci hait ce que hait Dieu lui-même.
4. Prenez courage, vous tous qui demandez pardon au Seigneur ; que la joie et la consolation rentrent en vos cœurs, que votre foi s’affermisse, que votre espérance se ranime, que votre charité s’enflamme. Celui qui, sans avoir commis de péché, a bien voulu mourir pour vous, vous accordera le pardon de vos fautes ; puisqu’il a consenti à mourir pour vous procurer la vie, il ne permettra point que vous périssiez. « Approchez-vous de Dieu, et il s’approchera de vous[4]. Résistez au démon, et il fuira loin de vous[5] ». Rappelez-vous qu’on vous retire de la gueule d’un lion rugissant ; souvenez-vous qu’on vous arrache aux griffes de celui qui croyait vous voir éternellement tourmentés avec lui. Le Seigneur entend vos sanglots, car il habite dans le cœur du pontife qui préside cette assemblée : puissent les prières adressées en votre faveur à Dieu, par votre évêque, suppléer à ce qui pourrait manquer aux vôtres !
5. O le meilleur des prélats, réjouis-toi donc ; car les enfants que tu avais engendrés par l’Évangile[6] « étaient morts, et ils sont ressuscités ; ils étaient perdus, et ils sont retrouvés[7] ». Qu’on déchire le cilice dont ils étaient enveloppés, et qu’ils se revêtent d’allégresse[8]. Admets-les de nouveau au festin du veau gras[9] ;

  1. 1Pi. 2, 22
  2. Luc. 15, 19
  3. Psa. 31, 5
  4. Jac. 4, 8
  5. Id. 7
  6. 1Co. 4, 15
  7. Luc. 15, 24
  8. Psa. 29, 12
  9. Luc. 15, 33