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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/590

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arrache leurs âmes à la mort ; essuie leurs larmes, préserve leurs pieds de l’abîme, afin qu’ils marchent en la présence du Seigneur dans la terre des vivants[1].

TRENTE-QUATRIÈME SERMON. PRIÈRE AU SAINT-ESPRIT.

ANALYSE. —1. Invocation à l’Esprit de miséricorde. —2. Suite. —3.  Saint Augustin continue à prier l’Esprit de toute bonté.
1. Esprit-Saint, mon Dieu, j’éprouve le désir de parler de vous, et, néanmoins, je crains pour moi de le faire, car je ne trouve en moi rien qui me le permette. Pourrais-je, en effet, dire autre chose que ce que vous m’inspirerez ? Pourrai-je prononcer un seul mot, si vous ne venez en moi pour vous substituer à moi et vous parler de vous-même ? Donnez-vous donc à moi pour commencer, ô généreux bienfaiteur, ô don parfait ; car, quant à vous, vous m’appartenez ; rien ne peut m’appartenir, je ne puis m’appartenir moi-même, si je ne vous possède d’abord. Soyez à moi, et ainsi serai-je à moi, et aussi à vous : si je ne vous possède pas, rien ne m’appartiendra. Près de qui aurai-je le droit de vous posséder ? Près de personne, si ce n’est près de vous. Il faut donc que vous vous donniez à moi, afin que je puisse faire auprès de vous votre acquisition. Prévenez-moi donc, préparez mon âme à vous recevoir, et quand vous y serez entré, parlez-vous pour moi et écoutez-vous en moi. Écoutez-vous en mon lieu et place, ô vous qui êtes si bienveillant ! Écoutez une bonne fois, et ne vous irritez pas. Voyez de quel esprit s’inspirent mes paroles pour moi, je l’ignore, mais je sais pertinemment que, dépourvu de votre assistance, je ne puis rien dire. Je m’en souviens : il vous a suffi jadis de toucher un homme adultère et assassin pour en faire le psalmiste ; vous avez délivré l’innocente Suzanne ; vos regards se sont abaissés sur une femme possédée par sept démons, sur Madeleine, et la charité surabondante dont vous l’avez remplie en a fait l’apôtre des Apôtres : le larron a été visité par vous, pendant qu’il était en croix, et, le même jour, vous l’avez placé dans le ciel pour l’y faire jouir de la gloire du Christ. Sous votre influence, l’apostat a versé des larmes de repentir, et vous l’avez préparé à recevoir le souverain pontificat. N’est-ce point à votre appel que le publicain est devenu un évangéliste ? N’avez-vous point terrassé le persécuteur, et, quand il s’est relevé, n’était-il point devenu un docteur hors ligne ? N’êtes-vous pas venu du ciel pour visiter les Juifs orgueilleux, et en les voyant consumés par les ardeurs de la plus audacieuse doctrine, ne les avez-vous pas délaissés ? Dieu de sainteté, quand je réfléchis à ce que vous avez inspiré à tous ces personnages, je me sens encouragé, par leur exemple, à vous parler ainsi, et je sais, à n’en pas douter un instant, que vous m’avez appris à vous répondre de la sorte : voilà aussi pourquoi je soupire vers vous et me jette dans vos bras. Écoutez-moi, bonté sans limites, et que votre misérable créature n’encoure point votre indignation. Si mes crimes surpassent, par leur nombre, les crimes de tous ces personnages qui me rappellent vos miséricordes, votre indulgence dépasse de beaucoup en étendue ma culpabilité ; car n’est-elle pas infinie ? Il lui est facile de pardonner un péché ! Ne lui est-il pas aussi aisé d’en pardonner des centaines de mille ? A l’un il a suffi d’un seul péché mortel pour se voir réservé à la damnation,

  1. Psa. 114, 8,9