Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/612

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les plus minutieuses et les plus détaillées, il t’a proposé les exemples les plus éloquents : « Voici », dit-il, « que tu es guéri ; ne commets plus aucun péché, de crainte qu’il ne t’arrive quelque chose de pis[1] ». Ne commets plus aucun péché, dit-il, après que tu as obtenu ton pardon ; ne t’expose plus à recevoir des blessures, après que tu as été guéri ; ton âme est en ce moment purifiée, ornée de la grâce, prends garde de la souiller, de la flétrir désormais. Songe, ô homme, qu’une faute est plus grave, quand elle est commise après un premier pardon ; une blessure renouvelée après guérison cause des douleurs bien plus vives ; une souillure paraît d’autant plus odieuse qu’elle est imprimée à une âme plus pure et plus sainte. Aussi celui-là perd tout droit à l’indulgence, qui pèche après avoir obtenu une première fois son pardon ; celui-là est indigne de recouvrer jamais la santé, qui se blesse lui-même après avoir été guéri une première fois ; et celui-là mérite de ne redevenir jamais pur, qui se souille lui-même après avoir reçu une première fois le bienfait de la grâce. Celui, au contraire, qui, après avoir été absous, ne retombe plus dans le péché, mérite de recevoir une récompense ; celui qui, après sa guérison, se montre vigilant, possède le don de la sainteté ; celui qui aura conservé la grâce et l’amitié de Dieu en observant sa loi, recevra le royaume éternel. Tout homme, en effet, est gravement coupable, quand il transgresse une loi dont il a une connaissance pleine et entière ; mais ce même homme devient bien plus coupable encore, quand il retombe dans le péché après avoir été absous une première fois. Celui-là devient plus vil et plus méprisable qu’un esclave qui, après avoir été affranchi, offense le patron de, qui il a reçu sa liberté ; celui-là abuse indignement d’un bienfait, qui méprise, avec un orgueil plein d’arrogance celui de qui il l’a reçu. Cherchez votre salut dans les exemples qui vous sont proposés : il faut, ou bien que vous l’y trouviez, ou bien que vous vous attendiez à subir le même sort que les coupables dont on vous rapporte l’histoire. Et ne considérez point comme un juge sévère Celui dont vous aurez méprisé les exhortations tendres et paternelles. « Car Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais reçoive, au contraire, la vie éternelle[2] ». Oui, il est grand, il est immense, l’amour de Dieu le Père ; il est digne d’être célébré par des louanges continuelles, il mérite d’être glorifié à tous les instants du jour et de la nuit ; pour nous racheter de la mort éternelle, l’auteur de la vie nous a envoyé son Fils tout-puissant et éternel, son Fils qui a possédé et qui possédera éternellement la même puissance que le Père et le Saint-Esprit ; il nous l’a envoyé, dis-je, en lui donnant pour mission de nous rendre dans son intégrité première la vie que nous avions perdue ; de même que Dieu avait, au commencement, créé le monde par lui, il a voulu aussi le renouveler par lui, quand il a vu ce monde perverti, dégradé et gisant misérablement dans le bourbier du péché. Par son saint avènement, en effet, le Fils de Dieu a allumé dans son Église le flambeau de la divine lumière que les hommes ne connaissaient plus depuis longtemps, et en rendant à ceux-ci l’espérance de la vie céleste, il a arraché de leur cœur ces affections indignes qui les tenaient misérablement courbés vers la terre, et il les a élevés au-dessus d’eux-mêmes. Cette Église a passé des ténèbres à la lumière aussitôt que Jésus-Christ, le vrai Soleil de justice, s’est montré à la terre ; les peuples qui avaient faim et soif de la vérité, ont pu se désaltérer aux sources de la divine doctrine qu’il leur a révélée, et trouver le plus doux, le plus délicieux de tous les aliments dans les saints exemples qu’il leur a donnés ; doctrine et exemple à l’aide desquels nous pouvons tous éviter les flammes de l’enfer et mériter d’entrer en possession des biens invisibles qui ne finiront jamais.

6. Nous devons donc rendre grâces au Dieu tout-puissant pour tous ces bienfaits, et considérer sans cesse combien a été grande la miséricorde et l’amour que notre Créateur nous a témoignés. Nous tous, en effet, nous sommes venus de la gentilité. Nos pères, il y a quelques siècles, adoraient des idoles ; après avoir abandonné le Dieu par qui ils avaient été créés, ils offraient leur encens et leurs hommages à des dieux façonnés par eux-mêmes. Nous, au contraire, par la grâce du Dieu tout-puissant, nous avons été ramenés

  1. Jn. 5, 14
  2. Jn. 3,16