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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/624

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dans toute la province proconsulaire et dans la Byzacène, à Tripoli même, les serviteurs de Dieu ont coutume de s’adjurer réciproquement en ces termes : Par votre couronne. Personne, assurément, ne recevra cette couronne, sans avoir auparavant remporté la victoire. Je vous adjure donc, moi aussi, par votre couronne, et je vous convie à combattre de tout votre cœur contre le démon, et si nous remportons ensemble la victoire, ensemble aussi nous recevrons la couronne. Comment osez-vous nous dire : Par votre couronne, alors que votre conduite et votre vie sont mauvaises ? Que votre vie, que votre conduite soient conformes à la vertu, que tous vos actes, intérieurs et extérieurs, soient irrépréhensibles, et vous-mêmes vous serez notre couronne. C’est la pensée que l’Apôtre, s’adressant au peuple de Dieu, c’est-à-dire à vous-mêmes, exprimait en ces termes : « O vous qui êtes ma joie et ma couronne, persévérez dans le Seigneur[1] ». Si la fortune et les circonstances vous sourient, persévérez dans le Seigneur ; si, au contraire, vous n’éprouvez que déception et revers, demeurez encore inébranlables dans le Seigneur. Ne vous séparez jamais de celui qui demeure toujours debout et qui rend invincibles comme lui ceux qui combattent sous ses yeux, et avec son secours vous demeurerez fermes et invulnérables, et vous mériterez de vous approcher enfin de lui pour recevoir la couronne promise aux vainqueurs.

SEPTIÈME SERMON. SUR CES PAROLES DE L’ÉVANGILE SELON SAINT MATTHIEU (XV, 21-28) : « JÉSUS, ÉTANT PARTI DE LÀ, SE RETIRA DU CÔTÉ DE TYR ET DE SIDON. ET VOICI QU’UNE FEMME CHANANÉENNE SORTIE DE CES CONTRÉES S’ADRESSA A LUI EN CRIANT : SEIGNEUR, FILS DE DAVID, « AYEZ PITIÉ DE MOI ; MA FILLE EST CRUELLEMENT TOURMENTÉE PAR LE DÉMON, ETC. » LA CHANANÉENNE.

ANALYSE. —1. Aveuglement et endurcissement des Juifs. —2. Foi de la chananéenne. —3. Explication de la prière adressée par elle à Jésus-Christ. —4. Réponse du Sauveur exauçant cette prière. Conclusion.

1. La miséricorde de notre Seigneur et Sauveur montre à tous également la voie du salut ; il ne veut pas que personne soit délaissé, mais il exhorte chacun à venir à lui, et il ne cesse de rappeler ceux qui se perdent. Et cependant l’endurcissement du cœur de ceux-ci est devenu tel qu’ils refusent de suivre celui qui désirait si ardemment les ramener de leur erreur, celui qui est descendu afin précisément de les empêcher de périr. Le Seigneur, ô peuple juif, n’a pas encore cessé de veiller sur toi et de courir à ta poursuite avec une sollicitude paternelle, et toi, tu refuses de chercher un Dieu qui te cherche lui-même avec tant de tendresse. Ils sont perdus sans ressource, ceux qui ne sentent pas que leur perte est un fait déjà en voie d’accomplissement ; il faut avoir l’esprit singulièrement troublé et abruti, pour ne plus reconnaître même que l’on est dans le chemin de l’erreur, et pour mépriser les avertissements de celui qui nous rappelle à la voie de la vérité. Votre Dieu pouvait-il faire davantage pour vous, que de venir personnellement pour vous retirer de l’abîme de perdition où vous étiez plongé ? Il a compris que la perversité de votre cœur était extrême, qu’il n’était au pouvoir d’aucune créature de la guérir, et il n’a point voulu envoyer un autre que lui-même, afin qu’il ne vous fût pas possible de douter de

  1. Luc. 12, 5