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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/632

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larcin, de faux témoignage, parce que vous avez commis l’homicide ou l’adultère ; il n’a rien dit de pareil, mais seulement : « J’ai eu faim, et vous ne m’avez point donné à manger ». Il n’a point dit : Retirez-vous de moi, parce que vous avez dérobé le bien d’autrui, mais parce que vous n’avez point donné aux pauvres de votre bien propre ; il n’a point dit : parce vous avez fait des œuvres mauvaises, mais parce que vous n’avez point voulu faire le bien. Ainsi ceux qui seront à la droite seront délivrés par le fait seul qu’ils auront été miséricordieux, et ceux qui seront à la gauche seront condamnés pour le fait seul d’avoir été esclaves de l’avarice. Le souverain Juge ne dit point à ceux qui sont placés à droite : Venez, ô bénis de mon Père, prenez possession du royaume, parce que vous n’avez point été pécheurs ; mais il les appelle à lui seulement parce qu’ils ont racheté leurs péchés par des aumônes. Il ne dit point non plus à ceux qui sont placés à gauche : Retirez-vous de moi, maudits, parce que vous avez péché, mais seulement : parce que vous n’avez point voulu racheter vos péchés par des aumônes. Nul homme ne peut être exempt de péché, mais aussi tout homme peut, avec le secours du Seigneur, racheter ses péchés par des aumônes. Quand le Sauveur déclare ici que ceux-là seront précipités dans les flammes éternelles, qui n’auront point nourri celui qui avait faim, nous pouvons conjecturer avec certitude, mes frères, quelles seront les tortures, ou si l’on veut, quel sera le supplice réservé à ceux qui font le mal, puisque ceux-là seront précipités dans les flammes éternelles, qui n’auront point fait le bien. Si celui qui n’aura point partagé son pain avec les pauvres doit partager le sort du démon, quel sera, dites-moi, le sort réservé à celui qui aura ravi injustement le bien d’autrui ? Si celui qui n’aura point vêtu son frère nu doit être condamné, à quoi sera condamné, je vous prie, celui qui aura dépouillé ce même frère ? Si celui qui n’aura point reçu l’étranger dans sa maison doit être envoyé au feu éternel, où sera envoyé celui qui se sera emparé de la maison d’autrui ?

2. Méditons sérieusement et fidèlement ces paroles de l’Évangile, mes très-chers frères, et, autant qu’il est en nous, efforçons-nous de faire le bien ; partageons avec les étrangers et les pauvres, même notre nécessaire, autant du moins qu’il nous est possible de le faire, et rachetons ainsi les péchés que nous avons commis, en même temps que, par ces bonnes œuvres, nous nous préparerons à nous-mêmes une récompense éternelle. Écoutons le Seigneur nous disant : « Bienheureux ceux qui sont miséricordieux, parce qu’ils obtiendront eux-mêmes miséricorde[1] ». Vous avez entendu, en effet, Notre-Seigneur déclarer, en des termes dont la véracité est au-dessus de toute contestation, que nous obtiendrons le royaume des cieux, si nous faisons des aumônes, si nous donnons à manger à ceux qui ont faim, si nous donnons à boire à ceux qui ont soif, si nous donnons, autant que nos ressources nous permettent de le faire, des vêtements à ceux qui sont nus ; si nous donnons l’hospitalité aux étrangers. Si nous accomplissons fidèlement toutes ces œuvres, nous pourrons paraître sans crainte devant le tribunal du Juge éternel, et alors a le souvenir de notre justice ne pourra plus « s’effacer jamais, nous n’aurons plus à craindre d’entendre aucune parole mauvaise[2] ». Que signifie ici ce mot de parole mauvaise ? Il désigne une parole que nous devons demander au Seigneur de ne jamais prononcer contre nous. Il désigne, dis-je, cette parole qui sera adressée aux impies placés à sa gauche : « Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel[3] ». Attachez-vous donc à l’aumône ou à la miséricorde, car « l’aumône délivre de la mort et ne laisse point aller dans la région des ténèbres ceux qui la pratiquent fidèlement[4] ». Que chacun donc, autant que ses forces le lui permettent, vienne au secours de ceux qui sont plus pauvres que soi. Que celui qui a de l’or entre les mains donne de l’or ; que celui qui a de l’argent donne de l’argent ; que celui qui n’a aucune sorte de monnaie donne de bon cœur un pain à l’étranger. Et s’il n’a pas à sa disposition un pain entier, qu’il partage ce qu’il a et qu’il en donne une partie. Car le Seigneur a daigné accorder, par la bouche de son Prophète, cette consolation, ou, si l’on veut, cette sécurité aux pauvres eux-mêmes ; il n’a point dit : Donnez à celui qui a faim votre pain tout entier ; mais : « Partagez votre pain avec celui qui a faim[5] » ; pour nous faire entendre que si nous n’avons pas un pain entier, nous devons au moins en donner un

  1. Mat. 5, 7
  2. Psa. 111, 7
  3. Mat. 25, 41
  4. Tob. 4, 11
  5. Isa. 58, 7