Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/633

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morceau quelconque. Et pour vous convaincre que toute offrande faite par vous de bon cœur sera agréable à Dieu, écoutez le Seigneur parlant dans l’Évangile de cette veuve qui venait d’offrir deux pièces de monnaie valant chacune le quart d’un denier : « En vérité, je vous le dis, cette veuve a déposé plus que tous ceux qui ont mis dans le tronc ; car les autres qui étaient riches ont donné de ce qu’ils avaient de superflu, au lieu que celle-ci a offert tout ce qu’elle possédait[1] » ; c’est pourquoi elle mérita d’être louée de la bouche même du Seigneur.

3. Que chacun donc fasse tout ce qui est en son pouvoir, et qu’après s’être réservé ce qui lui est nécessaire pour se nourrir d’une manière raisonnable et pour se vêtir simplement, il distribue avec joie et contentement tout ce qui lui restera ; en donnant peu il recevra beaucoup ; en se privant d’une faible pièce de monnaie, il acquerra la possession d’un royaume ; pour une aumône insignifiante en soi, il obtiendra la vie éternelle ; pour la perte d’un bien temporel, il sera dédommagé par des biens éternels ; pour le sacrifice d’une chose caduque et périssable, il méritera une récompense sans fin. Voilà pour quelle raison nous devons donner avec joie et de bon cœur. Si un homme vous disait de bonne foi : Donnez-moi un as et je vous rendrai cent pièces d’or, ne. donneriez-vous pas avec joie une pièce de cuivre pour en recevoir cent d’un métal beaucoup plus précieux ? À combien plus forte raison, quand le Dieu du ciel et de la terre vous dit : « Celui qui donne aux pauvres prête à Dieu[2] », et par la voix du Psalmiste : « Bienheureux l’homme qui a compassion et qui prête gratuitement[3] », devez-vous prêter sur la terre des choses que le Seigneur vous rendra avec usure et bien au-delà dans la vie éternelle ; de telle sorte qu’au jour où vous paraîtrez devant le tribunal du Juge éternel environné des légions de ses anges, vous puissiez librement, et sans crainte d’être démenti par qui que ce soit, vous écrier : Donnez-moi, Seigneur, parce que j’ai donné ; ayez pitié de moi, parce que j’ai pratiqué la miséricorde. J’ai accompli ce que vous m’avez ordonné, accordez-moi ce que vous m’avez promis. Je vous avertis donc de nouveau, mes frères, je vous conjure avec larmes de ne laisser jamais s’effacer de votre esprit le souvenir de ce passage de l’Évangile ; appliquez-vous de toutes vos forces, et avec le secours de Dieu, à éviter de tomber dans les flammes éternelles et à mériter la faveur inestimable d’entrer dans le royaume des cieux ; puisse cette faveur vous être accordée par Jésus-Christ Notre-Seigneur, à qui appartiennent l’honneur et la gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

ONZIÈME SERMON. DE L’ENFANT PRODIGUE (Luc, 15, 11 et suiv.)

ANALYSE. —1. L’orateur vient remplir la promesse faite par lui précédemment. —2. Égarements de l’enfant prodigue. —3. Sa misère. —4. Il rentre en lui-même. —5. Puis il revient à son père qui le voit de loin. —6. Il est reçu par son père qui le couvre de ses baisers. —7. Sur l’ordre de ce même père, les serviteurs de la maison lui rendent sa robe première, son anneau, sa chaussure ; on tue le veau gras. —8. Le frère aîné s’abandonnant aux transports de la colère est l’image des juifs.—9. La musique et la danse figurent l’unité. —10. Le frère aîné refuse d’entrer à la voix des serviteurs. —11. Son père vient l’inviter à son tour. —12. Plaintes de ce frère aîné qui ne s’est pas écarté un seul instant de son devoir, et qui n’a pas même reçu un chevreau. —13. Le père répond avec bonté : Tout ce que je possède vous appartient ; en quel sens ? —14. Conclusion.

1. Il ne faut pas traiter de nouveau les choses qui ont été déjà exposées et développées longuement ; mais il ne faut pas non plus s’abstenir d’y faire allusion ou d’en rappeler

  1. Mrc. 12, 43-44
  2. Pro. 19, 17
  3. Psa. 111, 5