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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/642

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TREIZIÈME SERMON. SUR CES PAROLES DE L’ÉVANGILE SELON SAINT LUC (XIX, 1) : « JÉSUS ÉTANT ENTRÉ DANS JÉRICHO, LE TRAVERSAIT ; ET VOICI QU’UN HOMME APPELÉ ZACHÉE, ET QUI ÉTAIT CHEF DES PUBLICAINS, ETC. »

ZACHÉE.

ANALYSE. —1. Zachée cherche à voir Jésus. —2. Il monte sur un arbre.—-3. Jésus l’aperçoit et lui ordonne de descendre.—4. Il reçoit Celui qui vient pour le recevoir lui-même ; les murmures de la foule sont sans fondement et tout à fait déplacés.—5. Paroles de Zachée converti. —6. Le Sauveur lui accorde son pardon.

1. Dernièrement, le bienheureux Évangéliste, en racontant la vie et la mort d’un riche inhumain, fit naître à la fois dans nos âmes un sentiment de pitié et un sentiment de tristesse profonde ; mais aujourd’hui il nous remplit d’une joie toute céleste et nous transporte d’admiration par la peinture qu’il nous fait du caractère humain et généreux et de la foi du riche Zachée. « Et Jésus », dit-il, « étant entré dans la ville de Jéricho, la traversait[1] ». Pourquoi est-il dit qu’il traversait cette ville, et non pas qu’il en parcourait les rues ? Parce que le peuple que Moïse mettait seulement sur la voie, est introduit par le Christ dans le repos de la demeure promise. « Il traversait Jéricho » ; Jéricho est précisément cette ville que les saints livres nous montrent renversée par Jésus Navé au bruit des sept trompettes. Mais le Christ, venu pour sauver ce qui avait péri, entre dans Jéricho afin de relever, par le bruit de ses saintes prédications, ce que les cris et les clameurs de la loi terrestre avaient détruit. « Voici qu’un homme, appelé Zachée, chef des Publicains et possesseur de grandes richesses[2] ». Dans cette ville perdue de Jéricho, Zachée, chef des Publicains, nous est représenté comme marchant au premier rang dans l’œuvre de perdition et de ruine ; mais le lieu de sa résidence, sa profession, ses actes, par là même qu’ils nous révèlent la multitude et l’énormité de ses crimes, servent aussi à rendre plus manifeste et plus éclatante l’étendue ou plutôt l’immensité de la miséricorde dont le Sauveur usera à son égard. « Et voici qu’un homme, appelé Zachée, chef des Publicains et possédant de grandes richesses, cherchait à voir Jésus ». Quiconque cherche à voir le Christ porte ses regards vers le ciel, d’où le Christ tire son origine ; non pas vers la terre, dans le sein de laquelle on puise l’or. Le riche, dont les regards sont fixés en haut, ne porte plus ses richesses, mais il les foule aux pieds ; au lieu de demeurer courbé sous le fardeau écrasant des biens de la fortune, il s’en sert comme d’un piédestal ; bien loin de se laisser dominer par l’avarice et de subir le plus honteux des esclavages, il use librement de ses richesses pour répandre des bienfaits autour de lui. L’avare, en effet, est l’esclave, non pas le maître de ses trésors ; celui, au contraire, qui aime à répandre des aumônes dans le sein des pauvres, montre par là qu’il a autant d’esclaves que de pièces de monnaie. « Zachée cherchait à voir Jésus, et il ne le pouvait pas à cause de la foule, parce qu’il était très-petit de taille[3] ». Cet homme était aussi grand par son esprit et par son cœur qu’il paraissait petit de corps ; son esprit atteignait jusqu’au ciel, alors que la taille de son corps demeurait inférieure à celle des autres hommes. Que nul donc ne se préoccupe de la petitesse de son corps, auquel il ne lui est pas possible de riels ajouter ; mais que chacun s’efforce de grandir chaque jour davantage et de s’élever jusqu’aux cieux par la foi.

2. « Courant donc en avant, il monte sur un arbre[4] ». Par quels degrés pensez-vous qu’il parvint jusqu’aux branches d’un arbre très-élevé ? Il prend d’abord un élan vigoureux pour s’élever au-dessus de la terre ; après

  1. Luc. 19, 1
  2. Id. 2
  3. Luc. 19, 3
  4. Id. 4