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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/666

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l’espérance des récompenses célestes, et dans la profondeur, les insondables jugements du Dieu qui donne sa grâce aux hommes. Cette manière d’interpréter le texte en question peut s’appliquer aussi au mystère de la croix. Ainsi, la largeur désigne le bois transversal sur lequel le Christ a étendu ses mains, pour indiquer l’accomplissement des bonnes œuvres. La longueur représente l’arbre de la croix, pris du sommet à la base, et auquel on voit pendre le corps entier du crucifié ; cela signifie : persister, c’est-à-dire, durer depuis le commencement jusqu’à la fin. La hauteur, c’est la partie qui va du bois transversal jusqu’à l’extrémité supérieure : la tête, qui s’y appuie, domine tout, parce qu’on espère le bonheur du ciel, et qu’en conséquence on doit pratiquer les bonnes œuvres et persévérer dans ce saint exercice, non pour obtenir les bienfaits terrestres et temporels que Dieu accorde, mais pour mériter ces biens éternels qu’espère a la foi qui a opère parla charité[1]». Enfin, la profondeur a pour emblème cette partie de l’arbre qui s’enfonce dans la terre et y reste cachée : bien qu’on ne la voie pas, tout ce qui apparaît aux regards en sort pour s’élever, comme de la secrète volonté de Dieu procède la vocation de l’homme à participer à cette faveur signalée : que « l’un a d’une manière, l’autre d’une autre[2] », apprend à connaître la suréminente charité du Christ[3], au sein de laquelle se rencontre cette paix qui dépasse toute imagination.


SERMONS SUR LES FÊTES DE L’ANNÉE.
DIX-NEUVIÈME SERMON.

SUR L’AVÈNEMENT DE NOTRE-SEIGNEUR. I[4]

ANALYSE. —1. Le Christ est notre guide. —2. Parfait accomplissement des prophéties.—3. Prenons garde d’être surpris faute de précautions, comme les hommes du temps de Noé. —4. Ne nous attachons ni aux biens ni aux choses de la terre. —5. Pourtant, les riches peuvent se sauver. —6. Le pauvre méchant et le bon riche. —7. Personne ne doit murmurer des maux du temps. —8. Ils sont destinés à nous rendre meilleurs. —9. Dès lors que Dieu nous aura souvent avertis, nous ne serons plus admis à nous disculper. —10. Épilogue moral.

1. Mes frères, nous sommes chrétiens, et, tous, nous voulons fournir notre carrière ; lors même que nous ne le voudrions pas, nous marchons. Impossible, pour n’importe qui, de s’arrêter ici-bas et d’y rester. Quiconque vient en ce monde doit nécessairement passer, emporté par la rapidité du temps. Par conséquent, point de paresse. Marelle, si tu ne veux pas qu’on te traîne. Deux chemins s’ouvrent devant nous : à leur point d’intersection se présente un homme ; je me trompe, ce n’est pas un homme, mais c’est un Dieu qui s’est fait homme pour sauver les hommes ; et il nous dit : N’allez pas à gauche. La voie y semble facile, unie, plaisante à parcourir, frayée par une foule de voyageurs, extrêmement large, mais elle aboutit à des abîmes où l’on trouve la mort. Le chemin de droite impose des efforts et de la fatigue : on y rencontre des obstacles, des pièges, un terrain rocailleux ; non-seulement, on n’y goûte aucun plaisir, mais c’est à peine si la pauvre humanité suffit à en supporter les dégoûts, tant la marche y est difficile : néanmoins, l’épreuve est de courte durée, et quand vous en serez sortis, vous trouverez, au point culminant de votre course, des joies ineffables, et vous n’aurez plus à craindre ces piéger dangereux qu’il est presque impossible d’éviter.

  1. Gal. 5, 6
  2. 1Co. 8, 7
  3. Eph. 3, 19
  4. Luc. 17, 27