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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/689

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celle qui lui à donné le jour ; mais jamais la divinité de son Père n’a préexisté relativement à sa première naissance. Celui qui est coéternel à son Père est donc né après sa mère. Voilà pourquoi nous célébrons aujourd’hui l’enfantement de la sainte Vierge, de cette vierge que nous proclamons aussi mère, en qui la gloire de la fécondité est venue accroître l’éclat de la virginité, et dont la fécondité s’est trouvée ennoblie par une virginité inaltérable. Cette vierge a donc eu le privilège de la fécondité, mais elle n’a jamais perdu celui de la virginité ; son enfantement a été de telle nature, que jamais elle n’eût été féconde si elle avait dû perdre l’intégrité de son innocence. Elle a donc été seule à recevoir cette grâce singulière d’un caractère tout divin ; à elle seule a été accordée cette faveur miséricordieuse de former, dans son sein et de son sang, le Créateur de toutes choses, et de concevoir, sans l’intermédiaire d’aucun homme, Celui qui a formé la femme, et, enfin, d’engendrer dans le temps le Dieu engendré de toute éternité.

4. En parlant de cette naissance du Fils de Dieu, qui s’est effectuée dans le temps, le Docteur des nations a dit : « Lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils à formé d’une femme, et assujéti à la toi, pour racheter ceux qui étaient sous la loi, afin que nous devinssions ses enfants adoptifs[1] ». Par ces paroles le bienheureux Apôtre a attiré l’attention de nos esprits et leur a fait comprendre le mystère de notre rédemption. Il connaissait parfaitement les secrets divins, et, en interprète fidèle, il nous a présenté ce mystère sous l’aspect le plus aimable et le plus capable d’exciter notre admiration : Pourquoi ce mystère est-il si admirable ? Parce qu’il s’est ainsi accompli. Pourquoi est-il si aimable ? Parce qu’il s’est accompli en notre faveur. Pourquoi est-il digne de notre admiration ? C’est que celui qui est vrai Dieu de Dieu est aussi né vrai homme d’homme. Y a-t-il rien de comparable à cette merveille, que le vrai Dieu, naturellement né du Père, et, par droit de naissance, Maître de toutes choses, soit aussi né de la Vierge, dans la condition d’esclave ? que le Créateur de tous les temps ait été créé dans le temps ? Pourquoi ce mystère est-il si aimable ? C’est que le Fils unique, qui est dans le sein du Père[2], a daigné devenir vrai homme et naître de l’homme, pour nous faire naître de Dieu.

5. Afin de rendre plus claire et plus intelligible pour nos auditeurs la vérité que nous énonçons, il nous faut reprendre ce que nous avons tous entendu relativement à la naissance humaine du Fils unique de Dieu. « Lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils, formé d’une femme et assujéti à la loi ». Voilà comment le vrai Dieu est né vrai homme. Mais de quel bienfait cette naissance humaine de Dieu a-t-elle été pour nous la source ? L’Apôtre nous l’enseigne par ces paroles : « Pour racheter ceux qui étaient sous la loi, afin que nous devinssions ses enfants adoptifs[3] ». Voilà comment Dieu a agi : il est né vrai homme, afin que nous, qui sommes hommes, nous naissions de Dieu. En effet, nous sommes nés de Dieu lorsque, croyant en lui, nous avons été adoptés pour ses enfants. Le bienheureux Jean prouve en ces termes qu’il y a des hommes nés de Dieu : « Il a donné le droit d’être faits enfants de Dieu à tous ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, à ceux qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu même[4] ». Nous avons reçu, dans la personne du nouvel Adam, l’adoption de la grâce divine que nous avions perdue dans la personne du premier. Nous étions privés de la grâce, lorsqu’après avoir été conçus dans l’iniquité, nous sommes nés dans le péché ; car c’est un fait certain, que nous l’avions perdue même avant de naître corporellement. Tous ont perdu la grâce de l’adoption en celui « en qui tous ont péché[5] ». Dieu a donc fait éclater son amour pour nous, en ce que son Fils unique, par qui toutes choses ont été faites, a été fait au milieu de toutes choses, et qu’il a été fait dans la plénitude des temps, bien qu’il eût fait tous les temps.

6. Frères bien-aimés, il faut comprendre avec exactitude comment a pu être fait Celui par qui toutes choses ont été faites, ou comment l’on peut dire que celui qui a fait tous les temps a été fait dans la plénitude du temps. Les saints Prophètes et les Apôtres ont avancé ces deux assertions, et les disciples de la vérité même nous ont enseigné cela avec encore plus de vérité. Le Christ qui, après sa naissance, a député les Apôtres pour en être

  1. Gal. 4, 4,5
  2. Jn. 1, 18.
  3. Gal. 4, 4-5
  4. Jn. 1, 12-13.
  5. Rom. 5, 12