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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/694

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déçu le monde entier ; il n’y avait plus, dès lors, de remèdes à nos maux et de salut pour nous, que si le Christ descendait du ciel. Pour le serpent, il se réjouissait, dans l’excès de sa méchanceté, d’avoir inoculé son venin à l’homme nouvellement créé. Mais le Christ est descendu dans le sein d’une Vierge, afin d’y prendre un corps d’homme qui serait attaché à la croix, et dont la mort porterait le coup fatal à l’antique serpent. Le diable avait employé une ruse infernale : c’était de parler à la femme par l’entremise d’un serpent, et de déguiser ainsi sa propre personne. Efforts inutiles ! Le Christ est descendu des cieux, le Fils de Dieu lui-même a pris un corps d’homme, et, en se montrant au démon sous l’apparence d’un homme, il lui a tendu un piège mortel. Ainsi, en effet, le tentateur a-t-il cru n’avoir affaire qu’à un homme, et a-t-il complètement méconnu le Seigneur. Il voyait bien un homme devant lui, mais il était loin d’imaginer que ce fût le souverain Maître. La faiblesse s’étalait à ses regards, mais la divinité se dérobait à ses yeux ; aussi demeura-t-il tout confus, lorsque dans l’homme se montra le Dieu.

2. Le Christ est donc descendu ici-bas, envoyé par Dieu son Père ; toutefois, il ne s’en est jamais séparé : il était sur la terre, sans avoir un seul instant quitté le ciel. Il a lui-même dit à ce sujet : « Personne n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme, qui est au ciel[1] ». Sur la terre, il parlait aux hommes en tant qu’homme, et il déclarait être au ciel en tant que Dieu. En lui, néanmoins, la divinité n’a subi aucun amoindrissement de ce qu’il s’est revêtu de notre infirmité : il a pris ce qu’il n’était pas, et il reste ce qu’il était dès le commencement, c’est-à-dire Dieu. Pour s’être fait homme, il a travaillé à notre avantage, mais non à son détriment ; il est demeuré l’égal du Père, tout en anéantissant la plénitude de sa divinité et en prenant la forme d’esclave.

3. Seule parmi toutes les personnes de son sexe, une Vierge a paru, qui a eu le singulier mérite de concevoir dans ses entrailles le Fils de Dieu, et de posséder sa virginité entièrement intacte, même après l’avoir enfanté. « Je vous salue, Marie », lui dit l’Ange ; « vous êtes pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes[2] ». Car « voilà que vous concevrez et enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus[3] ». « Il délivrera son peuple de ses péchés[4] ». Vous garderez tous les droits de la virginité, vous aurez un fils et vous ne perdrez pas le titre de vierge ; car la puissance divine est si grande, qu’elle donne la fécondité à la mère et conserve à la Vierge son intégrité, « Vous êtes bénie entre toutes les femmes », parce que vous concevrez du Saint-Esprit, et en cela agira, non pas un époux charnel, mais la grâce divine. L’enfant que vous allaiterez sera votre propre créateur. Vous, que Dieu nourrit de ses largesses, vous lui donnerez vos mamelles à sucer ; vous envelopperez de langes celui qui vous a accordé le vêtement de l’immortalité ; vous placerez dans une crèche le corps enfantin de celui qui vous a préparé une table céleste. Tous les soins qu’une femme doit à son nourrisson, vous les prodiguerez à celui qui vous a promis la faveur de posséder surabondamment les biens réservés par lui à ses saints. Que dire de plus ? O Vierge, réjouissez-vous de ces magnifiques promesses ! Alors s’éloigna le messager d’en haut : alors vint prendre possession du sein de Marie le Dieu qui vit et règne, avec le Père et l’Esprit-Saint, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

  1. Jn. 3, 13
  2. Luc. 1,28
  3. Id. 31.
  4. Mat. 1, 21.