Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/698

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

femme allait se troubler soit en le voyant s’approcher d’elle, soit en entendant son message, il s’adresse à ce cœur de jeune fille en commençant par lui parler de bénédiction, afin qu’elle se réjouisse de se voir plus privilégiée que son premier père. O double fruit d’une bénédiction ! Le Seigneur fait tout à la fois bénir et instruire sa mère.

3. A peine l’Ange lui a-t-il annoncé son enfantement, que les membres destinés au Verbe sont conçus en elle et commencent à se former. Dieu se renferme dans le sein d’une femme ; celui pour qui le monde est peu de chose se trouve porté dans les entrailles d’une Vierge ; et, renfermé dans les étroites limites d’un corps humain, la Grandeur divine s’incarne pour nous sauver ! Les entrailles fécondées de Marie se dilatent sous l’action du Verbe, et quand le nombre des mois est arrivé à son terme, elles mettent au jour l’homme céleste. À ce moment les anges publient, par leurs cantiques, la naissance du Sauveur. Or, en la même contrée, il y avait des bergers qui gardaient leurs troupeaux durant les veilles de la nuit. Le Christ vient au monde ; les pasteurs ont commencé à veiller. La nuit, c’est le monde ; la lumière, c’est le Christ ; les pasteurs, ce sont les prêtres. L’Ange dit aux bergers : « Ne craignez point, car je vous annonce une nouvelle qui sera pour tout le monde le sujet d’une grande joie : c’est qu’il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur[1] ». C’est avec juste raison que la naissance du Christ est annoncée aux pasteurs, car les pasteurs doivent l’intimer aux incrédules. Heureuse fécondité d’une Mère1 Elle donne, pour nous, le jour à un Dieu fait homme. Heureuse virginité d’une Mère qui a su adorer son céleste Fils avant de le nourrir ! Nous aussi, adorons en ce nouveau-né notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.

4. Écoutez, frères bien-aimés, si cela est possible, le mystère de la loi. Le premier Adam venait de la terre et du ciel ; le second venait du ciel et de la terre. Celui-ci venait du ciel et de la terre, parce qu’il était de Dieu et de Marie ; celui-là venait de la terre et du ciel, car il était un composé de terre et d’esprit. La mère de l’un et de l’autre était Vierge, et leur naissance n’était le fruit d’aucun commerce charnel ; Marie ne connaissait pas la corruption, la terre était intacte, car ni semence, ni soc de charrue, ni pluie ne l’avait encore touchée. Le premier Adam nous a ôté la vie ; avec elle, le second nous a donné la grâce. Les conseils d’une Vierge ont causé la chute du premier ; par l’enfantement d’une Vierge, le second a relevé les ruines qu’Eve avait faites. L’un a péché et nous a fait punir de mort ; le second a souffert et nous obtenu notre pardon. En raison de sa faute, le premier s’est vu chassé du Paradis ; à cause de sa bonté, le second a été attaché au bois de la croix. Donc, le mal s’est fait par une femme, mais une femme a bien plus puissamment opéré le bien. En effet, si nous sommes tombés par le fait d’Eve, c’est Marie qui nous a remis sur nos pieds ; si l’une nous a jetés par terre, l’autre nous a relevés ; si la première nous a condamnés à la servitude, la seconde a brisé nos chaînes ; celle-là nous a empêchés de vivre longtemps, celle-ci nous a rendu la vie éternelle. Entre les mains d’Eve le fruit de l’arbre a été la cause de notre condamnation ; Marie nous a absous par le fruit de l’arbre, car le Christ a été pendu à la croix comme un fruit. C’est donc un arbre qui nous a donné le coup de mort, et c’est un arbre qui nous a rendu la vie. L’arbre du péché a allumé en nous le feu des passions ; l’arbre de la science nous a procuré un vêtement qui calme notre ardeur pour le mal. Un arbre nous, a réduits à la nudité ; un arbre nous a donné ses feuilles pour nous couvrir d’indulgence. L’arbre de l’ignorance nous a produit des ronces et des épines ; l’arbre de la sagesse a été pour nous la source de l’espérance et du salut. Un arbre nous a apporté le travail et les sueurs ; un arbre nous a procuré le repos et la paix. Un arbre a ouvert les yeux du corps ; un autre les yeux du cœur. L’arbre du monde nous a inoculé l’astuce ; l’arbre de Dieu nous a enseigné la prudence. Un arbre nous a montré le mal ; un arbre nous a fait voir le bien. Mais je veux remonter au jour de la prévarication, et, avec la permission de Dieu, vous dire ce qu’il m’inspirera. Si Adam n’était point tombé corporellement, le Christ n’aurait pas eu à nous ressusciter spirituellement en cette vie. Je l’ai déjà dit : O profondeur insondable des secrets éternels ! O plan divin, caché à ceux qui n’ont pas la foi, et rayonnant de clarté pour ceux qui croient ! L’Immortel crée une mortelle,

  1. Luc. 2, 10-11.