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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/701

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8. Mais, hérésie perverse, quand mes paroles te seront-elles profitables ? N’es-tu pas « l’aspic qui n’entend rien, qui se bouche les oreilles pour ne pas ouïr la voix de l’enchanteur ?[1] » Sache, néanmoins, que tu seras dévoré, par la verge du serpent[2], lorsque les brebis que tu retiens captives auront été conduites par le pasteur, dans son bercail, afin qu’il n’y ait plus qu’ « un seul troupeau et un seul pasteur[3] ». Mes bien-aimés, notre pasteur, qui fait paître et conduit avec une verge de fer[4], est, en même temps, notre pasteur, notre gouverneur, notre créateur et notre architecte. Seigneur Jésus, je vois en vous un pasteur admirable : vous faites paître vos brebis, vous courez à la recherche de celle qui s’égare, et quand vous l’avez retrouvée, vous la rapportez tout joyeux sur vos épaules, jusqu’à la bergerie. J’aperçois en vous un architecte vraiment grand : vous portez la verge, et avec elle vous opérez une foule de prodiges. J’ai peur, mes frères, je tremble de vous parler de la verge ; mais, en consultant les divers passages de nos livres saints, je vois que Marie est une verge, que le Christ en est encore une, comme aussi la croix ; avec cette verge de la croix, le divin Architecte, qui fait de si grandes et si admirables merveilles, a fait l’instrument de son supplice et les échelles célestes par lesquelles il a élevé jusqu’à son Père l’homme tombé. Tous les saints, et ceux qui ont vécu dans la continence, et ceux qui ont vécu dans l’état du mariage, tous les fidèles ont gagné le paradis au moyen de ces échelles ; ils les ont gravies, non comme on gravit une échelle ordinaire, mais par la sainteté de leurs mœurs.

9. Que les bonnes mœurs s’implantent donc parmi nous, qu’on les rencontre en nous tous. Dans la foule des saints, chaque sexe et tous les âges peuvent trouver des exemples à imiter. Le modèle des vieillards, c’est Tobie malgré la cécité corporelle dont il était affligé, il montrait à son fils le chemin qui conduit à la vie ; il voyait des yeux de l’âme. Le fils donnait la main à son père et dirigeait ses pas à travers les écueils des chemins d’ici-bas, et le père, avec ses bons conseils, dirigeait son fils dans le sentier du ciel. Les jeunes gens ont sous les yeux les exemples de Joseph : c’était un saint de formes élégantes, mais plus remarquable encore par les qualités de l’esprit et du cœur ; sa chasteté était à tel point inébranlable, que ni les menaces de sa maîtresse, ni les suggestions de cette femme impudique ne purent faire aucune impression sur son corps, parce que Dieu était déjà le maître de son âme. Les vierges qui vivent saintement n’ont-elles point pour modèle Marie, la bienheureuse Mère de leur Sauveur ? Et les veuves, la religieuse Anne ? et les femmes mariées, la chaste Suzanne ? En effet, la vierge Marie, Mère du Christ, a parfaitement accompli les devoirs que le Seigneur lui avait imposés ; la veuve Anne a persévéré jusqu’à la fin dans les exercices de la prière et la pratique du jeûne ; Suzanne s’est exposée même au danger de mourir pour conserver sa pudeur conjugale. Épouses, remarquez bien quel exemple la sainte Écriture offre à votre imitation dans la personne de cette femme émérite. Elle ne vous dit point que Suzanne ait porté des pierreries, des colliers et des bracelets, de riches vêtements : c’étaient là des ornements extérieurs bien moins précieux que la pudique innocence qui embellissait son âme. Dieu a donné la vie à tous ceux qu’il a doués de bonnes mœurs. Et le motif pour lequel il a daigné se faire homme et naître d’une femme, c’est qu’il a voulu sauver les créatures des deux sexes. – Nous vous avons parlé longuement, frères bien-aimés, il y a eu de votre côté une attention singulièrement soutenue ; vous avez pris une large part à ce festin dominical que je vous ai servi : rendez-moi la pareille, non par vos instructions, mais par vos prières : ainsi pourrai-je moi-même prendre mon repas.

  1. Psa. 57, 5
  2. Exo. 7, 12
  3. Jn. 10, 26
  4. Psa. 2, 9