Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/704

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portée que des hommes spirituels ; elles dépassent, du tout au tout, les facultés des hommes charnels. En effet, l’homme charnel, que l’Apôtre appelle en d’autres termes l’homme animal, « ne perçoit pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu : l’inintelligence est son partage[1] ». La variété dans la couleur, et l’agréable aspect des trois branches est l’image de l’unité des trois personnes divines, qui, par la diversité de ses mystères et la différence dans la manière dont on les présente, s’offre, aux esprits désireux de la connaître, sous les aspects les plus divers et les plus beaux. Cette variété dans l’unité fait la joie de l’Église catholique, selon cette parole des saints cantiques : « Ses vêtements sont resplendissants d’or ; on y remarque une admirable variété[2] ».

6. Jacob plaçait les trois branches dans les canaux où les brebis du saint troupeau allaient s’abreuver, et pourtant la même eau servait à les désaltérer. Autre symbole. En effet, dans l’Église, dépositaire de la vérité, c’est au nom de la Trinité qu’on baptise, et l’on y prêche l’unité du baptême ; c’est ce que Paul disait formellement à ceux qu’il avait baptisés : « Il n’y a qu’un Seigneur, une foi et un baptême[3] ». En s’abreuvant aux courants d’eau, les brebis y puisaient une boisson vivifiante ; ainsi en est-il de tout fidèle : la piscine sacrée, où il reçoit le baptême, est pour lui la source d’un lait qui le fait croître, comme le lait maternel fait grandir le nouveau-né ; voilà pourquoi Pierre adressait ces paroles aux chrétiens nouvellement régénérés dans les eaux baptismales : « Comme des enfants nouvellement nés, désirez ardemment le lait spirituel et pur, afin qu’il vous fasse croître pour le salut[4] ». Enfin, en se désaltérant au ruisseau, les brebis y avaient, à cause des trois branches, des visions singulières et qu’un, homme n’aurait jamais pu supposer : emblème de l’effet produit par le baptême des catholiques : quiconque s’y désaltère devient capable de contempler l’unité d’un seul Dieu en trois personnes, mystère dont la vue est réservée, non pas aux impies, mais aux cœurs purs. « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu[5] ».

6. Illustre Jacob, Dieu lui-même a prononcé votre éloge en louant trois grands hommes « Je suis », a-t-il dit, « le Dieu d’Abraham, et le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob[6] ». Je ne vous demande plus qu’une chose, c’est la dernière : je vous en prie, comparez patiemment avec moi le temps où vous viviez avec celui-ci : notre époque n’est-elle pas, plus que la vôtre, enrichie des faveurs de la grâce ? Il est positif que notre brebis, la vierge Marie, est préférable aux vôtres. Notre siècle surpasse donc votre siècle en bonté, car notre Vierge est devenue féconde sans le concours de l’homme ; et parce que cette Vierge sainte a miraculeusement enfanté, bien qu’elle n’eût eu de commerce charnel avec aucun homme, elle a été, en ce jour, honorée, dans la personne du Christ, des respects et des présents des Mages.

7. C’est pourquoi, mes très-chers frères, il faut nous réjouir aujourd’hui d’avoir reçu le don de la foi catholique, jadis symbolisée par les trois branches de Jacob. Réjouissons-nous aussi à la vue de l’étoile qui a projeté sur toute la terre le vif éclat de ses rayons. Réjouissons-nous encore à l’aspect des présents des Mages, emblème sensible de la Trinité que dans notre conduite se rencontrent les trois vertus désignées par ces présents ! Puisse la foi faire de notre cœur un cœur d’or ; que l’encens du repentir brûle sur l’autel de ce cœur en sacrifice d’agréable odeur ; qu’enfin la myrrhe de la charité à l’égard du prochain nous obtienne le pardon de nos fautes par Jésus-Christ notre Seigneur.

  1. 1Co. 2, 14
  2. Psa. 44, 15
  3. Eph. 4, 5
  4. 1Pi. 2, 2
  5. Mat. 5, 8
  6. Exo. 3, 6