Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XI.djvu/738

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donnée par pure bonté. Et pourquoi vous a-t-elle été accordée ? Afin que vous deveniez les enfants de Dieu, les membres et les frères de son Fils unique, comme Jésus-Christ est le Fils unique du Père, et que, par là, vous soyez tous frères. Puisque vous êtes devenus les membres du Christ, je vous adresse mes conseils ; écoutez-moi, car, aujourd’hui, il faut que je vous instruise : Je crains pour vous, mais non pas tant de la part des païens, des juifs, des hérétiques, que de la part des mauvais chrétiens. Choisissez, dans les rangs du peuple de Dieu, ceux que vous devrez imiter. Pour ne pas se tromper et pouvoir suivre la voie étroite, il ne suffit pas d’imiter la masse des chrétiens : il faut arrêter son choix sur quelques-uns d’entre eux. Abstenez-vous de la rapine et du parjure, ne vous jetez point dans les abîmes de l’intempérance ; fuyez la fornication comme la mort même, non pas la mort qui sépare l’âme d’avec le corps, mais celle qui condamne l’âme à brûler éternellement avec le corps.

2. Mes frères, mes fils, mes filles, mes sœurs, sachez-le bien : le diable accomplit parfaitement son rôle, et ne cesse de parler au cœur de ceux qu’il ramène à son parti, en leur faisant abandonner celui de Dieu. Je ne l’ignore pas non plus : aux fornicateurs, aux adultères, qui ne se contentent pas de leurs épouses, l’esprit infernal dit intérieurement : Il n’y a pas grand mal à commettre le péché de la chair. À l’encontre de ses mensonges, nous devons prendre pour guides les oracles du Christ. Le démon prend les chrétiens aux appas du libertinage, en leur faisant considérer comme léger ce qui est grave, en leur déguisant la vérité et en leur débitant le mensonge. Mais quel profit y a-t-il à regarder, d’après les leçons de Satan, une faute comme peu grave, quand le Christ la déclare énorme ? Et si Dieu te dit que ce péché est mortel, que gagneras-tu à écouter le diable et à croire peu conséquente ta prévarication ? Au paradis terrestre, Satan a dit : « Vous ne mourrez pas de mort », tandis que le Seigneur avait fait cette menace formelle : « Le jour où vous mangerez de ce fruit, vous mourrez de mort[1] ». Nos premiers parents ont méprisé les avertissements de Dieu, et, pour avoir écouté le diable, ils sont tombés victimes de sa fourberie. L’ennemi est venu, qui leur a dit : « Vous ne mourrez pas de mort, mais vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux[2] ». Alors ils ont mis de côté la menace du Seigneur et prêté l’oreille aux promesses de Satan. De quoi a-t-il servi à la femme de dire : « Le serpent m’a séduite ?[3] » Son excuse a-t-elle été admise ? Sa condamnation n’a-t-elle pas suivi de près ? Aussi, je vous le dis : Vous, mes frères, qui avez des épouses, n’en connaissez pas d’autres ; vous qui n’en avez pas encore et qui voulez en avoir, conservez-vous purs pour elles, comme vous désirez qu’elles se conservent pures pour vous ; et vous, qui vous êtes engagés à garder la continence, ne portez pas vos yeux en arrière. Je vous ai dit ce que j’avais à vous dire, mon devoir est accompli. Le Seigneur m’a placé au milieu de vous pour vous exciter au bien, et non pour vous y forcer. Cependant, lorsque nous le pouvons, quand l’occasion s’en présente et que nous en avons la faculté, là où nous nous trouvons, nous reprenons, nous faisons des reproches, nous excommunions, nous anathématisons, mais nous n’avons pas le pouvoir de corriger, « Car celui qui plante n’est rien, non plus que celui qui arrose ; mais c’est Dieu qui donne l’accroissement[4] ». Sans doute, je vous parle en ce moment, je vous avertis de vos devoirs ; mais il faut aussi que Dieu m’exauce et qu’il agisse silencieusement sur vos cœurs : Je vous dis peu de mots, pour vous faire mes recommandations ; ce peu de mots suffira, toutefois, à vous inspirer une crainte salutaire si vous voulez rester fidèles, et à vous édifier. Vous êtes les membres du Christ : écoutez donc, non point mes propres paroles, mais celles de l’Apôtre : « Prendrai-je les membres du Christ pour en faire les membres d’une prostituée ? Non [note 4 Ibid. VI, 15.] ». Mais, me dira quelqu’un, la femme que j’entretiens n’est pas une prostituée, c’est simplement une concubine. – Dis-tu vrai, en parlant de la sorte ? As-tu une épouse, toi qui tiens ce langage ? – Oui, me répondra-t-il, j’ai une épouse. – Alors, bon gré mal gré, la seconde femme est une véritable prostituée. Peut-être te reste-t-elle fidèle ; peut-être ne connaît-elle et ne veut-elle connaître que toi ? Mais, puisqu’elle est si chaste, pourquoi forniques-tu ? Si elle n’a d’homme que toi, pourquoi as-tu deux femmes ? Cela n’est pas permis. Tous

  1. Gen. III, 4,5
  2. Gen. 3, 4,5
  3. Id. 5
  4. 1Co. 3, 7