Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/312

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d’en haut, celle qui aime Dieu et le prochain pour l’amour de Dieu, sous quelque forme que ce soit qu’elle souffre les maux de cette vie, que ce soit sous la forme de cet amour exprimé dans cette parole de saint Pierre à Jésus-Christ : « Vous savez, Seigneur, que je vous aime  » ; ou de cette crainte dont parle saint Paul, quand il dit : « Opérez votre salut avec crainte et tremblement  » ; on de cette joie dont il parle ailleurs, quand il dit : « Réjouissez-vous par l’espérance, et soyez patients dans les afflictions  » ; ou d’une « tristesse » comme celle « dont il avait le cœur si pressé « sur le sujet de ses frères  » ; il est clair, dis-je, que c’est toujours cette même charité, dont il est dit qu’elle « souffre tout », et qui n’ « est » jamais « répandue dans nos cœurs » que « par le Saint-Esprit qui nous est donnée  ».

CHAPITRE XXVI. QUE PENSER DE LA PATIENCE DES SCHISMATIQUES ?

Ainsi la piété ne nous permet pas de douter, que la patience qui fait qu’on souffre chrétiennement, ne soit un don de Dieu, aussi bien que la charité qui fait qu’on aime saintement. Car l’Ecriture ne se trompe ni ne nous trompe, quand elle dit, et dans l’ancien Testament, que « Dieu est notre patience  », que « notre patience vient de Dieu  », que « l’Esprit de force nous est donné d’en haut  » ; et dans le nouveau, qu’ « il a été donné à quelques-uns, non-seulement de croire en Jésus-Christ, mais même de souffrir pour lui  ».

Que ce que nous savons avoir reçu, ne nous soit donc pas un sujet de nous élever, comme si nous l’avions de nous-mêmes.

23. Parmi ceux qui sont dans le schisme, et par conséquent dépourvus de la charité, dont l’unité d’esprit et le lien de la paix qui unissent tous les membres de l’Église catholique sont des suites nécessaires, si l’on voit quelqu’un souffrir, par la crainte du feu de l’enfer, les afflictions, les angoisses, la nudité, la persécution, les périls, la prison, les chaînes, les tortures, le fer, le feu, les ongles et les dents des bêtes sauvages, et la croix même, plutôt que de renoncer à Jésus-Christ, bien loin qu’on l’en puisse blâmer, il y a quelque chose de louable, même dans cette sorte de patience.

Car nous ne pouvons pas dire que cet homme-là eût mieux fait de renoncer à Jésus-Christ pour se garantir des maux qu’il a soufferts en confessant son nom. Mais ce que nous en devons penser, c’est que cela servira peut-être à faire qu’il soit puni d’un moindre supplice, que s’il avait renoncé à Jésus-Christ pour se délivrer de tous ces maux.

Ainsi, lorsque l’Apôtre a dit : « Quand on livrerait mon corps pour être brûlé, si je n’ai la charité, cela ne me sert de rien  » ; il faut entendre que cela ne sert de rien pour gagner le royaume du ciel, mais non pas pour diminuer quelque chose de la rigueur des supplices éternels.

CHAPITRE XXVII. EST-ELLE UN DON DE DIEU ?

24. Mais on pourrait demander si c’est un don de Dieu ou une chose qu’il faille attribuer à la force de la volonté humaine, que la patience par laquelle un homme séparé de l’Église et craignant les peines éternelles, souffre des maux temporels ; non pour l’erreur qui a fait sa séparation, mais pour les vérités et les mystères qui se conservent encore dans sa secte. Car si nous disons que cette sorte de patience soit un don de Dieu, nous faisons participants de son royaume ceux en qui elle se trouve ; si au contraire nous disons que ce n’en est pas un, nous avouerons par là que sans le secours de Dieu, il peut y avoir quelque bien dans la volonté de l’homme ; puisqu’on ne saurait nier que ce ne soit un bien que de croire qu’on sera puni éternellement si on renonce à Jésus-Christ, et de souffrir, plutôt que d’en venir là, tout ce que les hommes sont capables de faire souffrir. Ne nions donc pas que cela même ne soit un don de Dieu ; mais comprenons en même temps que les dons qu’il fait aux citoyens de la Jérusalem céleste, de la femme libre dont nous sommes les enfants, sont bien autres que ceux-là.

CHAPITRE XXVIII. DONS ET DONS.

25. Ce sont ces dons qui composent l’héritage céleste, où nous sommes « héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus-Christ  » ; pour les autres, ils peuvent être le partage « des