Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/318

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

9. Que dirai-je de sa croix ? Comment en parler ? Il choisit le dernier genre de mort, afin qu’aucun genre de mort ne fût capable de faire trembler les martyrs. Pendant sa vie mortelle, il montra la sublimité de sa doctrine ; sur la croix, il donna l’exemple d’une patience sublime. Son martyre, ce fut le crucifiement ; l’instrument de ce martyre, ce fut la croix ; la récompense, ce fut sa résurrection. Sur la croix, il nous a montré ce que nous devons supporter ; dans sa résurrection il nous a montré ce que nous devons espérer. Semblable au juge suprême qui décerne le prix de la lutte il nous a dit : Faites et recevez ; faites l’œuvre et recevez-en la récompense ; combattez dans la lice et vous serez couronnés. Quelle est cette œuvre ? L’obéissance. Quelle est la.récompense ? La résurrection pour ne plus mourir. Pourquoi ajouter : pour ne plus mourir ? Parce que Lazare est ressuscité et est mort de nouveau ; Jésus-Christ est également ressuscité, « mais il ne meurt plus, la mort n’exercera plus sur lui son empire  ».

10. L’Ecriture nous dit : « Vous avez appris quelle a été la patience de Job, et vous avez vu le terme qu’y a mis le Seigneur  ». A la lecture des souffrances de Job, on tremble, on frémit. Quelle a été sa récompense ? Il a reçu le double de ce qu’il avait perdu. Remarquons ici que ce n’est pas en vue de récompenses temporelles que l’homme doit pratiquer la patience ; qu’il ne se dise pas Je supporterai cette perte et Dieu me rendra le double d’enfants ; Job a reçu le double de ce qu’il avait perdu, et il n’engendra qu’autant de fils qu’il en avait. Il n’en eut donc pas le double ? En réalité il en eut le double, puisque ses premiers enfants vivaient encore pour lui. Qu’on ne dise pas davantage : Je supporterai tous les maux qui m’arriveront et Dieu fera pour moi ce qu’il a fait pour Job ; n’y aurait-il pas là, non plus de la patience, mais de l’avarice ? En effet, si ce saint patriarche n’avait pas eu la patience, il n’aurait pas supporté courageusement tous les maux qui venaient fondre sur lui ; et alors en quoi donc aurait-il mérité ces éloges que Dieu lui prodigue : « Avez-vous remarqué mon serviteur Job ? Il n’est personne qui lui ressemble sur la terre ; c’est un homme parfait, un véritable serviteur de Dieu ». Quel plus beau témoignage, mes frères, cet homme pouvait-il mériter de la part du Seigneur ? Et cependant sa femme voulut le tromper par ses suggestions insidieuses, comme si elle eût été une forme nouvelle revêtue par ce même serpent qui, dans le paradis terrestre, trompa le premier homme à peine sorti des mains de Dieu, et maintenant se flattait encore de tromper ce saint patriarche et de faire entrer une pensée de blasphème dans son âme. Que ne souffrit-il pas, mes frères ? Qui peut avoir autant à souffrir dans ses biens, dans sa famille, dans la personne de ses enfants, dans son corps, et enfin dans la personne d’une femme qui semblait ne lui être laissée que pour mettre le comble à ses épreuves ? Si le démon lui avait conservé cette femme, c’est parce qu’il savait devoir trouver en elle une aide très-efficace ; n’avait-il pas vaincu le premier homme par la première femme ? voilà pourquoi il avait conservé cette Eve. Quelles souffrances Job eut donc à supporter ! Il avait perdu tout ce qu’il possédait ; sa maison s’était écroulée et en s’écroulant elle avait écrasé ses enfants. Pour juger de l’empire que la patience exerça sur lui, écoutez sa réponse : « Le Seigneur m’a donné, le Seigneur m’a ôté ; il n’est arrivé que ce qui a plu au Seigneur : que son nom soit béni ». Il m’a repris ce qu’il m’avait donné ; l’auteur de ces dons est-il mort ? Il m’a ôté ce qu’il m’avait donné. Comme s’il disait : il m’a tout ôté ; qu’il me prive de tout, qu’il me laisse dans une complète nudité et qu’il me conserve pour lui. Que peut-il me manquer si je possède mon Dieu ? ou à quoi tout le reste pourrait-il me servir, si je ne possédais pas Dieu ?

Puis vinrent les souffrances corporelles ; son corps ne fut plus qu’une plaie depuis les pieds jusqu’à la tête ; il était couvert de tumeurs et rongé par les vers : et malgré cet état, Job ne laissait pas de s’attacher de plus en plus étroitement à Dieu. Sa femme, se faisant non pas la consolatrice de son mari, mais l’auxiliatrice du démon, tenta de lui inspirer la pensée du blasphème : « Jusques à quand, dit-elle, supporterez-vous toutes ces infortunes ? Lancez quelque parole contre le Seigneur, et mourez ». Puisqu’il était si profondément humilié, il méritait d’être glorifié. Et c’est en effet ce que Dieu s’empressa de faire à son égard, même sur la terre, en attendant qu’il pût au ciel lui décerner une récompense infiniment plus belle. Job s’était humilié et