Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/357

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Peut-être aussi un lecteur dira-t-il : Je comprends cette proposition, mais elle me paraît fausse. Eh bien ! lui dirai-je à mon tour : Etablissez la vôtre, et renversez la mienne. S’il le fait en toute charité, et en toute sincérité, et s’il daigne, supposé que je vive encore, me communiquer ses observations, ce présent travail me deviendra très-fructueux. Bien plus, à défaut de communications avec moi, je consens de grand cœur à ce qu’il en fasse part à tous ceux qui voudront les entendre. Pour moi je continuerai à méditer la loi du Seigneur, si ce n’est le jour et la nuit, du moins pendant les quelques instants que je dérobe à mes occupations, et je confierai au papier mes pensées et mes réflexions, de peur que je ne les oublie entièrement. J’espère aussi que la miséricorde divine me fera persévérer dans une ferme adhésion aux vérités qui me paraissent certaines, et que si je suis dans l’erreur, elle me le fera connaître par de secrètes inspirations, ou par son enseignement public, ou même par les bienveillants avis de mes frères. Tels sont mes vœux et mes désirs ; et je les dépose ici dans le sein de Dieu qui peut et garder en moi le trésor de ses propres dons, et remplir à mon égard ses consolantes promesses.

6. Je n’ignore point que quelques esprits moins intelligents ne saisiront pas toujours le véritable sens de mes paroles, et que même ils me prêteront des pensées que je n’aurai pas eues. Mais qui ne sait que je ne dois pas être responsable de leurs erreurs ? Et en effet, est-ce ma faute s’ils ne peuvent me suivre, et s’ils s’égarent, lorsque je suis contraint d’avancer par des sentiers obscurs et ténébreux ? C’est ainsi que nul ne fait retomber sur les écrivains sacrés les nombreuses erreurs des divers hérésiarques. Et cependant tous s’efforcent de défendre et de soutenir leurs systèmes par l’autorité de l’Ecriture. La charité, qui est la loi de Jésus-Christ, m’avertit et m’ordonne en toute douceur et suavité que si un lecteur me prête, en parcourant mes ouvrages, une proposition fausse qui n’est pas la mienne, et que cette proposition fausse en elle-même soit rejetée par l’un et approuvée par l’autre, je préfère la critique du premier aux louanges du second. Sans doute l’un me blâme injustement, puisque l’erreur n’est pas la mienne, et néanmoins en tant qu’erronée la proposition est blâmable ; mais l’approbation de l’autre n’est pas moins injuste, puisqu’il me loue d’avoir enseigné ce que condamne la vérité ; et qu’il applaudit à une proposition qu’improuve également cette même vérité. Et maintenant, au nom du Seigneur, j’aborde mon sujet.


CHAPITRE IV.

QUEL EST SUR LA SAINTE TRINITÉ L’ENSEIGNEMENT DE L’ÉGLISE.

7. Tous les interprètes de nos livres sacrés, tant de l’ancien Testament que du nouveau que j’ai lus, et qui ont écrit sur la Trinité, le Dieu unique et véritable, se sont accordés à prouver par l’enseignement des Ecritures que le Père, le Fils et l’Esprit-Saint sont un en unité de nature, ou de substance, et parfaitement égaux entre eux. Ainsi ce ne sont pas trois dieux, mais un seul et même Dieu. Ainsi encore le Père a engendré le Fils, en sorte que le Fils n’est point le Père : et de même le Père n’est point le Fils, puisqu’il l’a engendré. Quant à l’Esprit-Saint, il n’est ni le Père, ni le Fils ; mais l’Esprit du Père et du Fils, égal au Père et au Fils, et complétant l’unité de la Trinité. C’est le Fils seul, et non la Trinité entière, qui est né de la vierge Marie, a été crucifié sous Ponce-Pilate, a été enseveli, est ressuscité le troisième jour et est monté au ciel. C’est également le Saint-Esprit seul qui, an baptême de Jésus-Christ, descendit sur lui en forme de colombe, qui après l’Ascension, et le jour de la Pentecôte, s’annonça par un grand bruit venant du ciel et pareil à un vent violent, et qui se partageant en tangues de feu, se reposa sur chacun des apôtres ( Matt., III, 16 ; Act., II, 2-4). Enfin c’est le Père seul et non la Trinité entière qui se fit entendre soit au baptême de Jésus par Jean-Baptiste, soit sur la montagne en présence des trois disciples, lorsque cette parole fut prononcée « Vous êtes mon Fils ». Et également ce fut la voix du Père qui retentit dans le temple, et qui dit : « Je l’ai glorifié, et je le glorifierai encore ( Marc., I, 11 ) ». Néanmoins comme le Père, le Fils et l’Esprit-Saint sont inséparables en unité de nature, toute action extérieure leur est commune. Telle est ma croyance, parce que telle est la foi catholique.



CHAPITRE V.

COMMENT TROIS PERSONNES NE FONT-ELLES QU’UN SEUL DIEU ?

8. Mais ici quelques-uns se troublent, quand