Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/365

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quoique plus communément vous disiez qu’il lui est inférieur. Est-ce encore parce que le texte évangélique ne dit -pas : lui seul, ou nul autre que lui ne vous enseignera toute vérité, que vous nous permettez du moins de croire que le Fils enseigne conjointement avec l’Esprit-Saint ? Mais l’Apôtre a donc exclu le Fils de la science des choses de Dieu, quand il a dit :

« Personne ne connaît ce qui est en Dieu, « sinon l’Esprit de Dieu ( I Cor., II, 11 ) ? » Ainsi ces hommes pervers pourront conclure de ce passage que l’Esprit-Saint révèle au Fils lui-même les choses de Dieu, et qu’il l’en instruit comme un supérieur instruit son inférieur. Et cependant le Fils n’accorde à l’Esprit que d’annoncer ce qu’il aura reçu de lui. « Parce que je vous ai parlé de la sorte, dit Jésus-Christ à ses apôtres, votre cœur est rempli de tristesse. Mais je vous dis la vérité : il vous est bon que je m’en aille, car si je ne m’en vais point, le Consolateur ne viendra point à vous ( Jean, XVI, 6, 7) ».



CHAPITRE IX.

IL FAUT SOUVENT APPLIQUER A TOUTES LES PERSONNES CE QUE L’ÉCRITURE DIT DE L’UNE D’ENTRE ELLES.

Mais en parlant ainsi, Jésus-Christ n’a point voulu marquer quelque inégalité entre le Verbe de Dieu et l’Esprit-Saint. Il s’est proposé seulement d’avertir ses apôtres que la présence de sa sainte humanité au milieu d’eux, était un obstacle à la venue de cet Esprit consolateur, qui ne s’est point abaissé comme le Fils en prenant la forme d’esclave il devenait donc nécessaire que le Christ, en tant qu’homme, disparût aux regards des apôtres, parce que la vue de son humanité sainte affaiblissait en eux la notion nette et précise de sa divinité. Aussi Jésus-Christ leur disait-il : « Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais à mon Père, parce que mon Père est plus grand que moi (Jean, XIV, 28) ». C’est comme s’il leur eût dit : il faut que je retourne à mon Père ; car tandis que je suis corporellement parmi vous, la vue de mon humanité vous fait croire que je suis inférieur au Père. Aussi. parce que vous êtes tout préoccupés des dehors matériels et sensibles que vous apercevez en moi, vous ne pouvez comprendre que comme Dieu je suis égal à mon Père. Tel est également le sens de cette parole : « Ne me touchez point, parce que je ne suis pas encore remonté vers mon Père ( Jean, XX, 17) ». Madeleine semblait, en effet ; par cette action, ne reconnaître en Jésus-Christ que l’humanité ; et c’est pourquoi le divin Sauveur ne voulait pas qu’un cœur qui lui était si dévoué, s’attachât exclusivement à l’extérieur de sa personne. Le mystère de l’Ascension devait au contraire prouver qu’en tant que Dieu il est égal au Père, et que comme Celui-ci il suffit à la béatitude des élus.

Au reste cette vérité est si assurée, que souvent nous disons que le Fils seul suffit au bonheur de la vision intuitive, et qu’en lui seul nous trouverons la récompense de notre amour et le rassasiement de nos désirs. Ne nous dit-il pas en effet lui-même : « Celui qui a mes commandements, et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime ? Or celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; je l’aimerai aussi et je me manifesterai à lui ( Id., XIV, 21) ». Eh quoi ! parce que Jésus-Christ ne dit pas ici : je vous montrerai le Père, est-ce qu’il s’en sépare ? nullement. Mais parce que cette parole est vraie : « Mon Père et moi nous sommes un », le Père ne peut se manifester sans manifester également le Fils qui est en lui. Et de même, quand le Fils se manifeste, il manifeste nécessairement le Père qui est en lui. Aussi quand on dit que le Fils remettra le royaume à Dieu son Père, nous ne devons pas entendre qu’alors il cessera lui-même de régner, car il est évident qu’en conduisant les élus à la vision intuitive du Père, il les conduira à la vision de lui-même, puisqu’il nous assure qu’il se manifestera à eux. C’est pourquoi lorsque l’Apôtre Jude lui eût dit : « Seigneur, d’où vient que vous vous découvrirez à nous, et non pas au monde ? » Jésus-Christ lui répondit avec juste raison : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure ( Id., XIV, 22, 23 ) ». Ainsi e Fils ne se manifeste pas seul à celui qui l’aime, mais il vient à lui avec le Père, et tous deux font en lui leur demeure.

19. Mais peut-être penserez-vous que l’Esprit-Saint est exclu de l’âme de ce juste, où habitent le Père et le Fils ? Eh quoi ! Jésus-Christ n’a-t-il pas dit précédemment du Saint-Esprit : « Le monde ne peut le recevoir, parce qu’il ne le voit point ; vous, au contraire,