Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/369

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et en tant qu’homme, il a ajouté : « Je suis la voie ( Jean, XIV, 6 ) ». Et en effet parce qu’il est « le premier-né d’entre les morts ( Apoc., I, 5) », il a tracé à son Église la route qui conduit au royaume de Dieu et à la vie éternelle. Ainsi on dit avec raison que le Christ qui est le Chef du corps des élus et qui les introduit en la bienheureuse immortalité, a été créé au commencement des voies et des œuvres du Seigneur. Comme Dieu, Jésus-Christ « est le commencement, lui qui nous parle, et en qui au commencement Dieu a fait le ciel et la terre ( Jean, VIII, 25 ; Gen., I, 1 ) », Mais comme homme, « il est l’époux qui s’élance de sa couche ( Ps., XVIII, 6 ) ». Comme Dieu, « il est né avant toutes les créatures ; il est avant tout, et toutes choses subsistent par lui » ; et comme homme, « il est le Chef du corps de l’Église ( Coloss., I, 15, 17, 18 ) ». Comme Dieu, « il est le Seigneur de la gloire », et nous ne pouvons douter qu’il ne glorifie ses élus ( I Cor., II, 8 ), selon cette parole de l’Apôtre : « Ceux qu’il a prédestinés, il les a appelés ; ceux qu’il a appelés, il les a justifiés ; ceux qu’il a justifiés, il les a glorifiés ( Rom., VIII, 30 ) ». C’est encore de lui, comme Dieu, que le même Apôtre dit « qu’il justifie l’impie, qu’il est le juste par excellence, et qu’il justifie le pécheur ( Rom., IV, 5, III, 26 ). » Et en effet celui qui glorifie ceux qu’il a justifiés, et qui les justifie et les glorifie par lui-même., n’est-il pas réellement, ainsi que je l’ai affirmé, le Seigneur de la gloire ? Et cependant, comme homme, il répondit à ses disciples qui l’interrogeaient sur la récompense qu’il leur réservait : « Il n’est pas en mon pouvoir de vous donner une place à ma droite ou à ma gauche, elle appartient à ceux à qui mon Père l’a préparée ( Matt., XX, 23 ) ».

25. Mais parce que le Père et le Fils ne sont qu’un, ils concourent également à préparer la même place. Et en effet j’ai déjà prouvé que par rapport à la Trinité ce que l’Ecriture énonce d’une seule personne doit être entendu de toutes trois en raison de l’unité de nature qui leur rend communes les œuvres extérieures. C’est ainsi qu’en parlant de l’Esprit-Saint, Jésus-Christ dit : « Si je m’en vais, je vous l’enverrai (Jean, XVI, 7 ) ». II ne dit pas : Nous enverrons, mais j’enverrai, comme si cet Esprit divin ne devait recevoir sa mission que du Fils, à l’exclusion du Père. Mais dans un autre endroit, il dit : « Je vous ai dit ces choses lorsque j’étais encore avec vous. Mais le Consolateur, l’Esprit-Saint que mon Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses ( Jean, XIV, 25, 26) ». Ne semble-t-il pas ici que le Père seul doit envoyer l’Esprit-Saint, et que le Fils n’y aura aucune part ? Et de même, au sujet de la place qui est réservée dans le ciel à ceux à qui le Père l’a préparée, Jésus-Christ veut faire entendre que conjointement avec le Père il a préparé et réservé cette place.

26. Mais peut-être m’objectera-t-on qu’en parlant de l’Esprit-Saint, il a bien dit qu’il l’enverrait, mais n’a pas nié que le Père ne puisse aussi l’envoyer, et qu’en affirmant ensuite la même chose du Père, il ne l’a pas niée de lui-même, tandis qu’ici il reconnaît qu’il ne lui appartient pas de donner cette place. C’est pourquoi il dit avec raison qu’elle est réservée à ceux à qui le Père l’a préparée. Je réponds, comme je l’ai déjà fait ailleurs, que dans cette circonstance Jésus-Christ s’exprime en tant qu’homme. « Il ne m’appartient pas, dit-il, de donner cette place », c’est-à-dire que cela surpasse en moi la puissance de l’homme. Mais c’est une raison pour que nous comprenions qu’étant comme Dieu égal à son Père, il la donne conjointement avec lui. Le sens de ces paroles est donc celui-ci : Je ne puis comme homme donner cette place, et elle est réservée à ceux à qui le Père l’a préparée : toutefois, parce que « tout ce qui est au Père est à moi », vous devez comprendre que conjointement avec le Père j’ai préparé et réservé cette place ( Id., XVI, 15 ).

Et maintenant je demande à montrer comment Jésus-Christ a pu dire : « Si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde pas, je ne le juge pas ». Est-ce comme homme qu’il parle ici, et de la même manière qu’il avait dit précédemment : il ne m’appartient pas de donner cette place ? Non, sans doute, car il poursuit en ces termes « Je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde » ; et encore : « Celui qui me méprise et qui ne reçoit pas ma parole, a un juge qui doit le juger ». Peut-être comprendrions-nous qu’il veut parler de son Père, s’il n’ajoutait : « La parole que j’ai annoncée, le jugera au dernier jour ». Eh bien ! le Fils ne jugera donc point, puisqu’il a déclaré qu’il ne jugerait pas ; et le Père ne jugera point,