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LIVRE DEUXIÈME : MISSIONS ET APPARITIONS.

Argument : Encore de l’égalité et de l’unité de substance dans les trois personnes divines. — Celui qui est envoyé n’est point inférieur à celui qui l’envoie. — Diverses apparitions de Dieu rapportées dans l’Ecriture. — La Sainte Trinité, immuable et invisible de sa nature, est présente en tout lieu. — Il y a en elle unité d’action dans la mission et dans l’apparition.



PRÉFACE.

1. Ceux qui cherchent Dieu, et qui s’appliquent, selon la faiblesse de l’esprit humain, à comprendre le mystère de la sainte Trinité, entreprennent un travail laborieux et difficile. Car, d’un côté, l’intelligence elle-même s’émousse dans ses efforts pour fixer cette lumière inaccessible, et de l’autre, l’Ecriture renferme une foule d’expressions dont il n’est pas toujours bien facile de saisir le sens. Je crois que l’Esprit-Saint a permis ces difficultés afin d’humilier notre raison, et de la relever ensuite en la forçant de se laisser diriger et éclairer par la grâce de Jésus-Christ. C’est pourquoi, si vous parvenez en un tel sujet à découvrir la vérité pleine et entière, vous devez être facilement indulgent pour ceux qui s’égareraient dans les profondeurs de cet impénétrable mystère. Mais l’homme qui se trompe, doit se prémunir contre deux vices qu’on lui pardonnerait difficilement. Le premier serait de se montrer présomptueux, avant que d’avoir saisi la vérité, et le second serait de s’opiniâtrer à défendre une erreur prouvée et démontrée. Puisse le Seigneur exaucer ma prière, et me préserver de ces deux vices également contraires à la recherche de la vérité, et à la saine interprétation des saintes Ecritures ! Puisse-t-il aussi, comme je l’espère, me couvrir du bouclier de sa bonne volonté et de sa miséricorde, afin que je continue avec une ardeur nouvelle à étudier, soit dans l’Ecriture, soit dans la nature visible, la grande question de la nature divine. Au reste, ces deux sources ne nous sont ouvertes que pour nous faciliter la recherche et l’amour de Celui qui a inspiré l’une et créé l’autre. Je n’hésiterai pas non plus à dire franchement ma pensée, et toujours je rechercherai l’approbation des gens judicieux, bien plus que je ne craindrai les critiques des méchants. Et en effet, la charité qui est la plus belle des vertus, est si modeste qu’elle emprunte volontiers le doux regard de la colombe, et l’humilité qui est sincère, évite avec soin d’employer la dent du dogue, même lorsqu’elle prouve invinciblement la vérité. D’ailleurs, je préfère les observations de tout censeur catholique aux louanges et aux flatteries d’un hérétique. Car celui qui aime réellement la vérité, ne doit craindre aucune critique. Et en effet, c’est ou un ennemi qui vous reprend, ou un ami. Si c’est un ennemi qui vous insulte, il faut le supporter ; si c’est un ami qui s’égare, il faut le ramener en la bonne voie, et s’il veut vous instruire, il faut l’écouter. Mais l’hérétique qui vous loue et qui vous flatte, ne fait que vous affermir dans votre erreur, et vous y enfoncer plus profondément. « Que le juste me reprenne donc, et me corrige avec charité, mais que l’huile du pécheur ne se répande point sur ma tête ( Ps., CXL, 5 ) ».


CHAPITRE I.

RÈGLES D’INTERPRÉTATION.


2. Tout chrétien qui veut parler de Notre-Seigneur Jésus-Christ, doit s’attacher inviolablement à la règle canonique qui est basée sur l’Ecriture et sur l’enseignement des docteurs catholiques. Or cette règle nous apprend à considérer le Fils de Dieu comme égal à son Père, selon la nature divine qu’il possède essentiellement, et inférieur au Père selon la forme d’esclave qu’il a daigné prendre. En cette forme il est inférieur au Père, et à l’Esprit-Saint. Que dis-je ? il est inférieur à lui-même, non certes en tant qu’il a été dans le temps, mais en tant qu’il est ; car en prenant la forme d’esclave, il n’a point dépouillé la forme de Dieu ; et c’est ce que j’ai prouvé dans le livre précédent par plusieurs citations des saintes Ecritures. Cependant il faut reconnaître que nos livres sacrés renferment quelques passages dont le sens peut sembler douteux. Le