Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/431

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néanmoins agir séparément par l’intermédiaire des créatures visibles, et comment encore la même action, qui au dehors se rapporte spécialement au Père, au Fils, ou au Saint-Esprit, est cependant l’action commune et indivisible de la Trinité entière. 31. Si vous me demandez maintenant quel fut avant l’incarnation l’agent qui mettait en mouvement les paroles, les figures et les symboles qui annonçaient ce mystère, je vous dirai que Dieu y employait le ministère des anges, comme je pense l’avoir suffisamment prouvé par divers passages des saintes Ecritures. Mais comment s’est accomplie l’Incarnation ? Je réponds à cette seconde question en affirmant que le Verbe de Dieu s’est fait chair, c’est-à-dire qu’il s’est fait homme. Toutefois la nature divine n’a point été changée, ni transformée en la nature humaine ; mais l’une et l’autre subsistent en une seule personne, qui est tout ensemble Fils de Dieu et fils de l’homme. Comme tous les hommes, le Verbe incarné a réellement un corps, et il possède une âme raisonnable ; et nous le nommons Dieu en raison de sa nature divine, et homme en raison de sa nature humaine. Vous est-il difficile de comprendre ce mystère ? purifiez votre esprit par la foi, par la fuite du péché et par le soin des bonnes œuvres ; joignez-y encore la prière et les saints désirs de la piété, et bientôt, soutenu parle secours divin de la grâce, vous arriverez à l’amoureuse intelligence -de ces hautes vérités. Mais après l’Incarnation, comment la voix du Père s’est-elle fait entendre, et comment l’Esprit-Saint s’est-il montré sous une forme corporelle ? Tout d’abord j’affirme que ce prodige s’est opéré à l’aide d’une créature. Cependant je n’ose assurer ni que cette créature fut seulement un corps matériel, ni qu’elle n’était point mise en mouvement par cet agent spirituel que les Grecs nomment esprit, et qui sans être une âme, serait doué d’intelligence et de raison. Mais même en ce sens, il n’y aurait point eu unité de personne, comme dans le Verbe né d’une Vierge. Car qui oserait dire que la créature, quelle qu’elle fût, qui reproduisait la voix du Père, fût Dieu le Père, et que la colombe ou les langues de feu qui symbolisèrent la présence de l’Esprit-Saint, fussent cet Esprit lui-même ? En toute hypothèse, il ne s’agit ici que d’une figure et d’un signe que Dieu dirigeait selon son bon plaisir. Au reste, il me paraît également difficile d’assigner à ce miracle une meilleure explication, et téméraire d’affirmer qu’on ne peut lui en trouver une autre. Toutefois je m’abstiens en ce moment de prouver mon sentiment, et je le ferai plus tard, autant que Dieu m’en donnera la force ; car je dois auparavant discuter et réfuter les diverses objections que les hérétiques tirent non pas de nos livres saints, mais du raisonnement humain, et par lesquelles ils accommodent à leurs erreurs les témoignages des Ecritures qui établissent la divinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit. 32. Quant à l’égalité des trois personnes, je crois avoir suffisamment prouvé que pour avoir été envoyé par le Père, le. Fils n’est point inférieur au Père, et que l’Esprit-Saint n’est inférieur ni au Père, ni au Fils, quoiqu’il soit envoyé par le Père et par le Fils. Ce terme de mission ou d’envoi doit s’entendre du corps humain qu’a pris le Verbe, et de la créature sous laquelle l’Esprit-Saint s’est montré : ou plutôt il nous rappelle que le Père est le principe des deux autres personnes, et il ne désigne dans la Trinité aucune inégalité de nature, ni aucune différence de perfection. Et en effet, supposons que Dieu le Père ait voulu se faire voir sous une forme corporelle, il n’en sera pas moins absurde de dire qu’il a été envoyé par le Fils qu’il a engendré, ou par l’Esprit-Saint qui procède de lui. Je termine donc ici ce quatrième livre, et dans les suivants, avec la grâce de Dieu, je me propose d’exposer et de réfuter les subtils arguments de mes adversaires.