Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/446

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incomparablement plus simple que l’âme humaine ? En effet, pour l’âme humaine, ce n’est pas une même chose d’exister et d’être forte, prudente, juste ou tempérante ; car l’âme peut exister et n’avoir aucune de ces vertus. Mais, pour Dieu, exister c’est être fort, juste, sage, c’est posséder tout ce que l’on peut dire de la multiplicité simple ou de la simplicité multiple, pour exprimer sa substance. Ainsi, quand on dit Dieu de Dieu, cela veut dire que le nom de Dieu convient à l’un et à l’autre, de manière à ce qu’il n’y ait qu’un seul Dieu, et non plusieurs Dieux. Car ils sont unis l’un à l’autre, comme cela arrive même pour des substances hétérogènes, ainsi le témoigne l’Apôtre. En effet, Dieu pris en lui-même est esprit ; l’esprit de l’homme considéré en lui-même est aussi esprit ; et cependant, s’il s’attache à Dieu, « il est un seul esprit avec lui » ; . à combien plus forte raison cela peut-il se dire là où l’union est indissoluble et éternelle ! à moins de tomber dans l’absurdité d’entendre par Fils de Dieu, fils des deux : ce qui arriverait si le mot Dieu ou tout ce qui exprime la substance divine, ne s’appliquait pas aux deux et même. à la Trinité tout entière. Quoiqu’il en soit ~et ce sujet demande une discussion plus approfondie), le point qui nous occupe est assez clair, savoir : que le Fils n’est en aucune façon égal au Père, s’il ne lui est égal en tout ce qui tient à la substance divine, comme nous l’avons déjà prouvé. Or, l’Apôtre le dit égal. Donc le Fils est égal au Père en tout, et d’une seule et même substance avec lui.


CHAPITRE V.

LE SAINT-ESPRIT ÉGAL EN TOUT AU PÈRE ET AU FILS.

7. C est pourquoi le Saint-Esprit a aussi la même unité de substance et la même égalité. En effet, qu’il soit l’unité ou la sainteté, ou la charité des deux, ou l’unité par la charité, ou la charité par l’unité, il est clair qu’aucun des deux n’est ce qui les unit, ce par quoi celui qui est engendré aime celui qui l’engendre et en est aimé à son tour, et qui fait qu’ils conservent l’unité d’esprit par le lien de la paix (Eph., IV, 3. ), non en vertu d’une communication, mais par leur propre essence, non par la grâce d’un être supérieur, mais par eux-mêmes. Modèle qui est proposé à notre imitation, avec l’aide de la grâce, et vis-à-vis de Dieu et vis-à-vis de nous : toute la loi et les prophètes se rattachant à ces deux commandements ( Matt., XXII, 37-40 ).Ainsi ces trois personnes sont un Dieu unique, seul, grand, sage, saint, heureux. Pour nous, c’est de lui, par lui et en lui que nous sommes heureux, parce qu’il nous donne d’être une seule chose entre nous, et un seul esprit avec lui, vu que notre âme s’attache à lui. Et il nous est avantageux de nous attacher à Dieu, car il perdra tous ceux qui l’abandonnent ( Ps., LXXVII, 28, 27 ). L’Esprit-Saint est donc, quel qu’il soit, commun au Père et au Fils. Mais cette communauté est consubstantielle et coéternelle. Qu’on l’appelle amitié, si on juge l’expression convenable ; mais celle de charité vaut mieux. C’est aussi une substance, parce que Dieu est substance et que « Dieu est charité », ainsi qu’il est écrit ( Jean, IV, 16 ). Or, comme cette substance est avec le Père et le Fils, elle est aussi, avec le Père et le Fils, grande, bonne, sainte, et tous ce qui est dans la nature divine : car exister, en Dieu, n’est pas autre chose qu’être grand, bon, etc., ainsi que nous l’avons démontré plus haut. Si, en effet, la charité était là moins grande que la sagesse, la sagesse ne serait pas aimée tout entière ; elle est donc égale, et la sagesse est aimée dans toute son étendue. Or, la sagesse est égale au Père, comme nous l’avons expliqué plus haut ; donc le Saint-Esprit lui est égal aussi ; et s’il lui est égal, il l’est en tout, à cause de la parfaite simplicité qui caractérise cette substance. Voilà pourquoi il n’y a rien en Dieu de plus que trois : l’un aimant celui qui est de lui ; l’autre aimant celui de qui il est, et leur amour même. Or, si cet amour n’existe pas, comment « Dieu est-il amour ? » Et s’il n’est pas substance, comment Dieu est-il substance ?


CHAPITRE VI.

COMMENT DIEU EST UNE SUBSTANCE SIMPLE ET MULTIPLE.

8. Si l’on demande comment cette substance est simple-et multiple, il faut d’abord examiner pourquoi la créature est multiple et jamais vraiment simple. En premier lieu, tout corps est composé de parties, de telle sorte que l’une est plus grande, l’autre plus petite, et que toute partie, quelle qu’elle soit et si