Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/471

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nous aimons celui que nous croyons avoir ainsi vécu. Et si nous n’aimions pas, avant tout, le type que nous savons permanent et immuable, nous n’aimerions point celui qui y a conformé sa vie pendant qu’il était sur la terre, ainsi que nous le croyons fermement. Mais, je ne sais comment, nous sommes plus vivement excités à aimer le type lui-même, précisément parce que nous croyons qu’un homme y a conformé sa vie ; et nous ne perdons point du tout l’espérance, nous qui sommes hommes, d’y conformer aussi la nôtre, précisément parce que quelques hommes l’ont fait, en sorte que notre désir en devient plus ardent et notre prière plus fervente. Ainsi l’amour même du type nous fait aimer la vie que certains hommes ont menée, et la certitude qu’ils l’ont menée augmente encore notre amour pour le type ; et, par là il arrive que plus notre amour pour Dieu est ardent, plus notre vue acquiert de certitude et de clarté ; parce que nous voyons en Dieu même le type immuable de justice selon lequel nous pensons que l’homme doit vivre. La foi peut donc nous procurer la connaissance et l’amour de Dieu qui, dès lors, n’est plus tout à fait inconnu ni soustrait à notre amour ; elle devient un moyen de le connaître plus clairement et de l’aimer plus solidement.


CHAPITRE X.

IL Y A, DANS LA CHARITÉ, TROIS CARACTÉRES QUI SONT COMME UNE EMPREINTE DE LA TRINITÉ.

14. Or, qu’est-ce que la charité ou l’amour tant loué, tant préconisé par l’Ecriture, sinon l’amour du bien ? Mais l’amour suppose quelqu’un qui aime, et quelque objet qui est aimé. Voilà donc trois choses : celui qui aime, celui qui est aimé, et l’amour. Qu’est-ce donc que l’amour, sinon une certaine vie qui unit deux objets ou tend à les unir : à savoir un objet aimant et un objet aimé ? II en est ainsi même dans les amours extérieurs et charnels. Mais pour puiser à une source plus pure et plus limpide, foulons la chair aux pieds et montons jusqu’à l’âme. Qu’est-ce que l’âme aime dans l’être aimé, sinon une âme ? Il y a donc là trois choses : le sujet de l’amour, l’objet de l’amour et l’amour. Il nous reste à monter encore et à retrouver tout cela dans un ordre plus élevé, autant que cela est donné à l’homme. Mais que notre attention se repose ici un instant, non dans la pensée qu’elle a trouvé ce qu’elle cherche, mais comme il est d’usage de le faire quand on a trouvé le lieu où l’on a quelque chose à chercher. Rien n’est trouvé encore, mais nous savons où chercher. Que ceci suffise et serve comme d’exorde à ce que nous avons à dire ensuite.