Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/528

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en ce que nous sommes délivrés de tous les péchés ; mais délivrés de tous les péchés parc que le Fils de Dieu, qui n’avait pas de péché a été mis à mort pour nous. « Nous serons donc délivrés par lui de la colère ». Car la colère n’est pas chez Dieu comme chez l’homme un trouble de l’âme. C’est la colère de celui à qui l’Ecriture sainte dit ailleurs : « Pour vous Seigneur des vertus, vous jugez avec calme (Sag., XII, 18 ) ». Eh bien ! si c’est là le nom de la juste vengeance de Dieu, qu’est-ce que la vraie réconciliation avec lui sinon la fin de ce courroux ? Nous étions ennemis de Dieu, exactement dans le même sens que les péchés sont ennemis de la justice ; ces péchés une fois remis, toutes ces inimitiés disparaissent, et Dieu se réconcilie avec le juste qu’il justifie lui-même. Mais ces ennemis, il les aimait déjà : puisqu’il « n’a point épargné même son propre Fils, mais qu’il l’a livré pour nous tous », dans le temps où nous étions encore pécheurs. L’Apôtre a donc raison d’ajouter ensuite : « Car si lorsque nous étions ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils », mort qui a procuré la rémission des péchés, « à bien plus forte raison, réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie » : sauvés par sa vie, après avoir été réconciliés par sa mort. Qui peut, en effet, douter qu’il donnera sa vie à ses amis, lui qui leur a donné sa mort quand ils étaient ses ennemis ? « Non-seulement cela », continue l’Apôtre « mais nous nous glorifions en Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui maintenant nous avons obtenu la réconciliation ». « Non-seulement », dit-il, nous serons sauvés, « mais nous nous glorifions, non pas en nous, mais en Dieu », ni par nous, mais « par Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui maintenant nous avons obtenu la réconciliation », dans le sens que nous avons expliqué plus haut. Après quoi l’Apôtre ajoute : « C’est pourquoi, comme le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché, ainsi la mort a passé dans tous les hommes par celui en qui tous ont péché (Rom., V, 8-12 ) ». Et la suite du texte, où l’Apôtre parle plus au long des deux hommes : l’un, le premier Adam, celui qui a transmis à sa postérité deux maux héréditaires, le péché et la mort ; l’autre, le second Adam, qui n’est pas homme seulement, mais aussi Dieu, qui, en payant pour nous ce qu’il ne devait pas, nous a affranchis des dettes de notre père et des nôtres. Et comme le démon nous tenait tous sous son esclavage à cause du premier Adam qui nous avait engendrés par sa concupiscence viciée et charnelle, il est juste qu’il nous laisse tous libres à cause du second Adam qui nous a régénérés par sa grâce spirituelle et immaculée.

CHAPITRE XVII. AUTRES AVANTAGES DE L’INCARNATION.


22. Il y a bien d’autres points de vue dignes d’attention et de réflexion dans l’incarnation du Christ, qui déplaît tant aux orgueilleux. Par exemple, elle fait comprendre à l’homme quelle place il tient parmi les êtres que Dieu a créés, puisque la nature humaine a pu être unie à Dieu si étroitement que deux substances, et par là même, trois : Dieu, l’âme et la chair, n’aient formé qu’une personne. Ainsi ces esprits orgueilleux et méchants, qui interviennent, en apparence pour aider, en réalité pour tromper, n’osent plus se préférer à l’homme par la raison qu’ils n’ont pas de corps ; surtout, le Fils de Dieu ayant daigné mourir dans la chair, ils ne peuvent plus se faire adorer comme dieux par la raison qu’ils sont immortels. En outre, la grâce de Dieu, accordée sans aucuns mérites antérieurs, éclate visiblement dans le Christ fait l’homme : car le Christ lui-même n’avait point mérité antérieurement d’être si étroitement uni au vrai Dieu que le Fils de Dieu ne fît qu’une seule personne avec lui ; mais il n’a commencé à être Dieu que du moment où il a été homme : ce qui fait dire à l’évangéliste : « Le Verbe a été fait chair (Jean I, 14 ) ». Autre avantage : l’orgueil de l’homme, principal obstacle à son union avec Dieu, a pu être confondu et guéri par le profond abaissement d’un Dieu. Par là encore l’homme mesure la distance qui le séparait de Dieu, et peut apprécier ce que lui vaut le remède de la douleur, puisqu’il ne revient que par l’entremise d’un médiateur, qui, comme Dieu, vient au secours des hommes, et, comme homme, se rapproche d’eux par l’infirmité. Ensuite quel plus beau modèle d’obéissance, pour nous qui nous étions perdus par désobéissance, que celui de Dieu le Fils, obéissant à Dieu le Père jusqu’à la mort de la croix (Phil., II, 8 ) ? D’ailleurs où pouvait-on nous montrer une