Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/530

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Christ Jésus, renferme tout à la fois les trésors de la sagesse et de la science. C’est ce que l’Apôtre écrit aux Colossiens : « Car je veux que vous sachiez quelle sollicitude j’ai pour vous, pour ceux qui sont à Laodicée et pour tous ceux qui n’ont pas vu ma face dans la chair, afin que leurs cœurs soient consolés, et qu’ils soient unis eux-mêmes dans la charité, pour parvenir à toutes les richesses d’une parfaite intelligence, et à la connaissance du mystère de Dieu, qui est le Christ Jésus, en qui tous les trésors de la sagesse et de la science sont cachés (Col., II, 1-3 ) ». Et qui peut savoir jusqu’à quel point l’Apôtre connaissait ces trésors, jusqu’où il y était entré et quelles grandes choses il y avait découvertes ? Pour moi, m’en tenant à ce qui est écrit : « Or, à chacun est donnée la manifestation de l’Esprit pour l’utilité car à l’un est donnée par l’Esprit la parole de sagesse, à un autre la parole de science selon le même Esprit (I Cor., XII, 7, 8) » ; si la distance entre la sagesse et la science consiste en ce que la première appartient aux choses divines et la seconde aux choses humaines, pour moi, dis-je, je les reconnais toutes les deux dans le Christ, et tout fidèle les y reconnaît avec moi. Et quand je lis : « Le Verbe a été fait chair et il a habité parmi nous », dans le Verbe je reconnais le vrai Fils de Dieu, dans la chair je reconnais le vrai Fils de l’homme, et les deux réunis, par une ineffable surabondance de grâce, en la personne unique du Dieu-Homme. Ce qui fait que l’Evangéliste ajoute : « Et nous avons vu sa gloire, comme celle qu’un fils unique reçoit de son père, plein de grâce et de vérité (Jean, I, 14 ) ». Si nous rattachons la grâce à la science, la sagesse à la vérité, ce ne sera pas nous écarter, je pense, de la distinction que nous cherchons à établir entre ces deux choses. En effet, dans l’ordre des choses qui se-sont faites dans le temps, le point culminant de la grâce est l’union de l’homme à Dieu dans la même personne ; et, dans l’ordre des choses éternelles, on attribue avec raison la souveraine vérité au Verbe de Dieu. Mais comme ce même Fils unique du Père est plein de grâce et de vérité, il en résulte que dans ce qu’il a fait pour nous dans le temps, il est celui en qui nous sommes purifiés par la foi, pour le contempler à jamais dans les choses éternelles. Quant aux principaux philosophes païens qui ont pu comprendre les perfections invisibles de Dieu par les choses qui ont été faites, comme ils raisonnaient sans le Médiateur, c’est-à-dire sans l’Homme-Christ, et qu’ils n’ont cru, ni aux prophètes qui annonçaient sa venue, ni aux apôtres qui. le disaient arrivé ; ils ont retenu la vérité dans l’injustice, ainsi qu’on l’a dit d’eux. En effet, vivant dans ce bas monde, ils n’ont pu que chercher quelques moyens d’arriver aux objets sublimes qu’ils avaient compris ; et ils sont ainsi tombés aux mains des démons menteurs, qui leur ont fait changer la gloire du Dieu incorruptible contre une image représentant des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles (Rom., I, 20, 18, 23 ). Car c’est sous ces formes qu’ils ont créé ou adoré des idoles. Donc le Christ est notre science et aussi notre sagesse. C’est lui qui nous donne la foi aux choses temporelles, c’est lui qui nous apprend la vérité sur les choses éternelles. Par lui nous allons à lui, par la science nous tendons à la sagesse : et cependant, nous ne nous éloignons pas de ce seul et même Christ « en qui tous les trésors de la sagesse et de la science sont cachés ». Mais, pour le moment, nous ne parlons que de la science, nous réservant de parler plus tard de la sagesse, si Dieu nous en fait la grâce. Toutefois ne donnons pas aux mots une acception si étroite, que nous nous interdisions d’appeler sagesse la science des choses humaines, et science la sagesse qui s’occupe des choses divines. L’usage, élargissant le sens des mots, applique souvent à l’une et à l’autre la dénomination de sagesse ou de science. Cependant l’Apôtre n’eût pas écrit : « A l’un est donnée la parole de sagesse, à un autre la parole de science », si ces deux dénominations n’avaient chacune un sens particulier, suivant la distinction que nous établissons à cette heure.

CHAPITRE XX. RÉSUMÉ DE CE LIVRE. COMMENT NOUS SOMMES ARRIVÉS GRADUELLEMENT A DÉCOUVRIR UNE CERTAINE TRINITÉ DANS LA SCIENCE PRATIQUE ET DANS LA VRAIE FOI.

25. Voyons enfin le résultat de cette longue discussion, à quoi elle conclut, où elle a abouti. Tous les hommes désirent être