Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/548

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sera donc encore l’image de Dieu quand nous aurons comme lui un corps immortel et que nous serons, sous ce point de vue conformes à l’image, non du Père ou du Saint Esprit, mais du Fils seulement, puisque c’es de lui seul qu’il est dit : « Le Verbe a été fait chair (Jean, I, 14 ) », comme le maintient la foi orthodoxe. De là ces paroles de l’Apôtre : « Ceux qu’il a connus par sa prescience, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, afin qu’il fût lui-même le premier-né entre beaucoup de frères (Rom., VIII, 29 ) », c’est-à-dire « premier-né d’entre les morts », comme le dit le même Apôtre (Col., I, 18) ; parla mort, la chair a été semée dans l’abjection, et est ressuscitée dans la gloire. Selon cette image du Fils, à laquelle nous devenons conformes par l’immortalité de notre corps, nous faisons ce que conseille encore l’Apôtre : « Comme donc nous avons porté l’image du terrestre, portons aussi l’image du céleste (I Cor., XV, 43-49 ) » ; afin de croire véritablement et d’espérer inébranlablement qu’après avoir été mortels selon Adam, nous serons immortels selon le Christ. C’est ainsi que nous pouvons porter la même image que lui, non encore dans la vision, mais dans la foi, non encore en réalité, mais en espérance ; car c’était de la résurrection que l’Apôtre parlait en disant cela.


CHAPITRE XIX.

C’EST BIEN PLUTOT DE NOTRE PARFAITE RESSEMBLANCE AVEC LA TRINITÉ DANS LA VIE ÉTERNELLE, QU’IL FAUT ENTENDRE LES PAROLES DE SAINT JEAN. LA SAGESSE EST PARFAITE AU SEIN DE LA BÉATITUDE.


25. Quant à l’image dont il est dit : « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance (Gen., I, 26 ) », comme le texte ne dit pas à mon image ni à ton image, nous croyons que l’homme a été fait à l’image de la Trinité et nous avons mis toute la diligence possible à le bien comprendre. C’est donc plutôt en ce sens qu’il faut entendre ce que dit l’apôtre saint Jean : « Nous serons semblables à lui, quand nous le verrons tel qu’il est », parce que ce mot « lui » se rapporte à celui dont il a dit : « Nous sommes les enfants de Dieu I Jean, III, 2 ) ». Et l’immortalité de la chair s’opérera au moment même de la résurrection, d’après le témoignage de saint Paul : « En un clin d’œil, au son de la dernière trompette, les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons changés (I Cor., XV, 52. ) ». En effet, en un clin d’œil, avant le jugement, ce corps animal qui est semé maintenant dans l’infirmité, dans la corruption et l’abjection, ressuscitera spirituel, dans la force, dans l’incorruptibilité et dans la gloire. Et l’image qui se renouvelle de jour en jour, non extérieurement, mais intérieurement, dans l’esprit de l’âme par la connaissance de Dieu, sera perfectionnée par la vision, qui aura lieu alors, après le jugement, face à face, et qui maintenant avance à travers un miroir en énigme (Id., XIII, 12). C’est de cette perfection qu’il faut entendre ces paroles : « Nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est ». Ce don nous sera fait quand on nous aura dit : « Venez, bénis de mon Père ; possédez le royaume préparé pour vous (Matt., XXV, 34 ) ». Alors l’impie disparaîtra, pour ne pas voir la gloire du Seigneur (Is., XXVI, 10. ), quand ceux qui seront à gauche iront au supplice éternel, et que ceux qui seront à droite entreront dans l’éternelle vie (Matt. XXV, 46 ). Or, comme l’a dit la vérité, « la vie éternelle, c’est qu’ils vous connaissent, vous seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ (Jean, XVII, 3 ) ». 26. Cette sagesse contemplative — la même, ce me semble, que celle que les saintes Ecritures distinguent de la science sous le nom de sagesse — n’appartient qu’à l’homme ; mais l’homme ne l’a point de lui-même ; il la tient de celui dont la participation peut seule rendre l’âme vraiment raisonnable et intelligente. Cicéron la recommande en ces termes, à la fin de son dialogue d’Hortensius : « Nous qui méditons ces choses jour et nuit, qui exerçons notre intelligence — le regard de l’âme — et veillons à ne point la laisser s’émousser, c’est-à-dire nous qui sommes philosophes, nous avons grand espoir, que si ce que nous sentons et ce que nous goûtons est mortel et périssable, du moins, au terme de notre carrière mortelle, la mort nous sera agréable, que l’anéantissement ne nous sera point pénible, mais sera plutôt le repos de notre vie ; ou si, selon l’opinion d’anciens philosophes, les plus grands et de beaucoup les plus illustres, nous avons des âmes immortelles et divines, il faut croire qu’elles