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LIVRE QUINZIÈME : LA TRINITÉ AU CIEL.

Argument : Résumé de ce qui a été dit dans les quatorze livres précédents. — Il faut chercher la Trinité dans les réalités éternelles, immatérielles et immuables, dont la parfaite contemplation nous est promise comme le souverain bonheur. — Nous ne découvrons ici-bas cette Trinité que comme à travers un miroir et en énigme, dans l’image de Dieu qui est en nous, comme une ressemblance obscure et difficile à saisir. C’est ainsi qu’on peut conjecturer et expliquer d’une manière quelconque la génération du Verbe divin par la parole de notre âme, mais avec difficulté, à cause de l’immense différence qui sépare les deux verbes ; et aussi la procession du Saint-Esprit, par l’amour, lien produit par la volonté.



CHAPITRE PREMIER.

DIEU EST AU-DESSUS DE L’ÂME.

1. Notre dessein étant d’amener le lecteur à reconnaître le Créateur dans ses créatures, nous sommes arrivé jusqu’à son image, qui est l’homme ; l’homme dans ce qui l’élève au-dessus de tous les animaux, c’est-à-dire dans sa raison ou son intelligence, dans tout ce qu’on peut attribuer à une âme raisonnable ou intelligente, dans tout ce qui est propre à cette chose qu’on appelle esprit ou âme. C’est par ce mot spécial mens, animus, que quelques auteurs latins désignent la partie principale de l’homme, refusée aux animaux, pour la distinguer de l’âme même des animaux, anima. Si nous cherchons quelque chose, et quelque chose de vrai, au-dessus de cette nature, nous trouvons Dieu, c’est-à-dire la nature incréée et créatrice. Que cette nature est Trinité, c’est ce que nous devons démontrer, non-seulement aux croyants par l’autorité de la divine Ecriture, mais encore, si cela est possible, aux hommes intelligents par quelque argument tiré de la raison. La discussion elle-même fera voir dès le début pourquoi j’ai dit : si cela est possible.


CHAPITRE II.

IL FAUT CHERCHER SANS CESSE LE DIEU INCOMPRÉHENSIBLE. CE N’EST PAS À TORT QU’ON CHERCHE DANS LA CRÉATURE LES TRACES DE LA TRINITÉ.

2. Le Dieu même que nous cherchons nous aidera, je l’espère, à tirer quelque fruit de notre travail et à bien comprendre cette pensée du Psalmiste : « Que le cœur de ceux qui cherchent le Seigneur soit dans l’allégresse ; cherchez le Seigneur et soyez forts ; cherchez sans cesse sa présence (Ps., CIV, 3, 4 ) ». En effet, il semble que chercher toujours, c’est ne jamais trouver ; et comment le cœur de ceux qui cherchent sans pouvoir trouver ne sera-t-il pas dans la tristesse plutôt que dans l’allégresse ? car le Psalmiste ne dit pas : « que le cœur » de ceux qui trouvent, mais « de ceux qui cherchent le « Seigneur, soit dans l’allégresse ». Et d’autre part, le prophète Isaïe atteste qu’on peut trouver le Seigneur en le cherchant : « Cherchez le Seigneur », dit-il, « et dès que vous l’aurez trouvé, invoquez-le ; puis quand il sera près de vous, que l’impie abandonne ses voies, et l’homme injuste ses pensées (Is., LV, 6, 7 ) ». Or, si en le cherchant, on le trouve, pourquoi nous dit-on : « Cherchez sans cesse sa présence ? » Serait-ce qu’il faut encore le chercher quand on l’a trouvé ? En effet, c’est ainsi qu’il faut chercher les choses incompréhensibles, et ne pas s’imaginer qu’on n’a rien trouvé, quand on a pu découvrir combien ce qu’on cherchait est incompréhensible. Pourquoi cherche-t-on ce que l’on sait être incompréhensible, sinon parce qu’il ne faut jamais cesser la recherche des choses incompréhensibles tant qu’elle est profitable, et qu’on devient toujours meilleur en cherchant un bien si grand, qui est toujours à trouver quand on le cherche, et toujours à chercher quand on le trouve ? car on le cherche pour goûter plus de joie à le trouver, et on le trouve pour avoir plus d’ardeur à le chercher. C’est ici qu’on peut appliquer ce que le livre de l’Ecclésiastique dit de la sagesse : « Ceux qui me « mangent ont encore faim, ceux qui me boivent ont encore soif (Eccli., XXIV, 29 ) ». On mange en effet et on boit parce qu’on trouve ; et comme on a faim et soif, on cherche encore. La foi cherche, l’intelligence trouve ; ce qui fait dire au prophète : « Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas (Is., VII, 9 ) ». Et, en retour, l’intelligence cherche celui qu’elle a trouvé : car comme