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LIVRE XX. — LE JUGEMENT DERNIER. 451
de solide ici-bas. Au milieu de cette vanité des choses de la terre, il déplore surtout que, la sagesse ayant autant d’avantage sur la folie que la lumière sur les ténèbres, et le sage étant aussi éclairé que le fou est aveugle, tous néanmoins aient un même sort dans ce monde[1], par où il veut dire sans doute que les maux sont communs aux bons et aux méchants. Il ajoute que les bons souffrent comme s’ils étaient méchants, et que les méchants jouissent des biens comme s’ils étaient bons. Et il parle ainsi : « Il y a encore une vanité sur la terre : on y voit des justes à qui le mal arrive comme à des impies, et des impies qui sont traités comme des justes. J’appelle aussi cela une vanité[2]  ». Cet homme si sage consacre presque tout son livre à relever ces sortes de vanités, sans doute pour nous porter à désirer cette vie où il n’y a point de vanité sous le soleil, mais où brille la vérité sous celui qui a fait le soleil. Comment donc l’homme se laisserait-il séduire par ces vanités, sans un juste jugement de Dieu ? Et toutefois, tandis qu’il y est sujet, ce n’est pas une chose vaine que de savoir s’il résiste ou s’il obéit à la vérité, s’il est vraiment religieux ou s’il ne l’est pas ; cela importe beaucoup au contraire, non pour acquérir les biens de cette vie ou pour en éviter les maux, mais en vue du jugement dernier, où les biens seront donnés aux bons et les maux aux méchants pour l’éternité. Enfin le sage Salomon termine ainsi ce livre : « Craignez Dieu, et observez ses commandements, parce que là est tout l’homme. Car Dieu jugera toute œuvre, celle même du plus méprisable, bonne ou mauvaise[3]  ». Que dire de plus court, de plus vrai, de plus salutaire ? « Craignez Dieu, dit-il, et observez ses commandements ; car là est tout l’homme ». En effet, tout homme n’est que le gardien fidèle des commandements de Dieu ; celui qui n’est point cela n’est rien ; car il n’est point formé à l’image de la vérité, tant qu’il demeure semblable à la vanité. Salomon ajoute : « Car Dieu jugera toute œuvre, c’est-à-dire tout ce qui se fait en cette vie, celle même du plus méprisable » , entendez : de celui qui paraît le plus méprisable et auquel les hommes ne font aucune attention ; mais Dieu voit chaque action de l’homme, il n’en méprise aucune, et quand il juge, rien n’est oublié.

CHAPITRE IV.
IL CONVIENT, POUR TRAITER DU JUGEMENT DERNIER, DE PRODUIRE D’ABORD LES PASSAGES DU NOUVEAU TESTAMENT, PUIS CEUX DE L’ANCIEN.

Les preuves du dernier jugement de Dieu que nous voulons tirer de l’Écriture sainte, nous les puiserons d’abord dans le Nouveau Testament, ensuite dans l’Ancien. Bien que l’Ancien soit le premier dans l’ordre des temps, le Nouveau néanmoins a plus d’autorité, parce que le premier n’a servi qu’à annoncer l’autre. Nous commencerons donc par les témoignages tirés du Nouveau Testament, et pour leur donner plus de poids, nous les confirmerons par ceux de l’Ancien. L’Ancien comprend la loi et les Prophètes ; le Nouveau, l’Évangile et les Épîtres des Apôtres. Or, l’Apôtre dit : « La loi n’a servi qu’à faire connaître le péché, au lieu que maintenant la justice de Dieu nous est révélée sans la loi, quoique attestée par la loi et les Prophètes. La justice de Dieu est manifestée par la foi en Jésus-Christ à tous ceux qui croient en lui[4] »Cette justice de Dieu appartient au Nouveau Testament et est confirmée par l’Ancien, c’est-à-dire par la loi et les Prophètes. Je dois donc exposer d’abord le point de la Cause pour produire ensuite les témoins. C’est Jésus-Christ lui-même qui nous apprend à observer cet ordre, lorsqu’il dit : « Un docteur bien instruit dans le royaume de Dieu est semblable à un père de famille qui tire de son trésor de nouvelles et de vieilles choses[5] ». Il ne dit pas de vieilles et de nouvelles choses, ce qu’il n’aurait certainement pas manqué de faire, s’il n’avait eu plus d’égard au prix des choses qu’au temps.

CHAPITRE V.
PAROLES DU DIVIN SAUVEUR QUI ANNONCENT QU’IL Y AURA UN JUGEMENT DE DIEU A LA FIN DES TEMPS.

Le Sauveur lui-même, reprochant leur incrédulité à quelques villes où il avait fait de grands miracles, et leur en préférant d’autres qu’il n’avait point visitées : « Je vous déclare, disait-il, qu’au jour du jugement, Tyr et Sidon seront traitées moins rigoureusement que vous[6] ». Et quelque temps après, s’adressant à une autre ville : « Je t’assure, dit-il,

  1. Ecclé. II, 13, 14.
  2. Ibid. VIII, 14.
  3. Ibid. XII, 13,14.
  4. Rom. III, 20-22.
  5. Matt. XIII, 52.
  6. Matt. XI, 22,24.