Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XIV.djvu/33

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Prophètes, c’est que nous comprenons ce qu’ils ont prédit, c’est que nous possédons la réalité de ce qu’ils ont promis. Pour les Juifs, qui nous adressent ces reproches, ils doivent à leurs ancêtres de participer encore à l’amertume du fiel donné par eux en nourriture au Seigneur ; ils se ressentent encore de l’âcreté du vinaigre qu’ils ont offert au Christ pour apaiser sa soif : ils ne comprennent pas ces choses, car en eux se vérifie cet autre passage du Psalmiste : « Que leur table soit devant eux comme un filet ; qu’elle leur soit une juste rétribution, une pierre de scandale ». En abreuvant le pain vivant de fiel et de vinaigre, ils se sont eux-mêmes saturés d’âcreté et d’amertume. Comment donc saisiraient-ils le sens d’une prophétie qui prononce contre eux cette sentence : « Que leurs yeux soient aveuglés pour qu’ils ne voient point ? » Comment pourraient-ils se tenir droits, de manière à élever leurs cœurs vers Dieu, eux dont il a été prédit : « Faites que leur dos soit toujours courbé ? » Ces paroles n’ont pas été prononcées contre eux tous, mais elles l’ont.été contre tous ceux auxquels s’applique ce qui a été prédit. Elles ne concernent point ceux d’entre eux qui ont cru alors en Jésus-Christ, ni ceux qui croient en lui aujourd’hui, ni ceux qui y croiront depuis ce jour jusqu’à la fin des siècles : elles ne s’appliquent aucunement au vrai peuple d’Israël, c’est-à-dire, à ce peuple qui verra le Seigneur face à face : « Car tous ceux qui descendent d’Israël, ne sont pas pour cela Israélites, et tous ceux qui sont de la race d’Abraham, ne sont pas pour cela ses enfants : mais Dieu lui dit : C’est d’Isaac que sortira la race qui doit porter ton nom, c’est-à-dire, ceux qui sont enfants d’Abraham selon la chair, ne sont pas pour cela enfants de Dieu : mais ce sont les enfants de la promesse qui sont réputés être les enfants d’Abraham (1) ». Au contraire, ces Juifs appartiennent à la Jérusalem spirituelle et aux villes de Juda, c’est-à-dire à l’Église ; c’est d’eux que parlait l’Apôtre quand il disait : « Les églises de Judée qui croyaient en Jésus-Christ, ne me connaissaient pas de visage (2) ». Car, selon ce qui est écrit dans la suite du même psaume, « Dieu sauvera Sion, et, les villes de Juda seront bâties de nouveau, et ils y demeureront, après qu’ils l’auront acquise comme leur héritage, et la race de ses serviteurs la possédera, et ceux qui aiment son nom, y établiront leur demeure ». Mais lorsque les Juifs lisent ces paroles, ils les entendent dans un sens charnel : ils pensent à la Jérusalem d’ici-bas, qui est esclave avec ses enfants, et non point à la Jérusalem éternelle et céleste, qui est notre mère (1).


CHAPITRE VI. LE TITRE DU PSAUME SOIXANTE-DIX-NEUVIÈME PRÉDIT ENCORE LA TRANSFORMATION DES ANCIENS RITES : CETTE TRANSFORMATION FUTURE EST PROUVÉE CONTRE LES JUIFS PAR DES TÉMOIGNAGES PLUS ÉCLATANTS.

7. Le psaume soixante-dix-neuvième porte, comme le quarantième et le soixante-huitième, ce titre : « Pour ce qui doit être changé ». Entre autres passages, on y lit celui-ci : « Regardez du haut du ciel, et voyez, et visitez cette vigne : donnez la perfection à celle que votre droite a plantée, et jetez les yeux sur le Fils de l’homme, que vous avez affermi pour vous ». Cette vigne est évidemment celle dont il est dit : « Vous avez transporté votre vigne de l’Égypte » ; car le Christ n’a point planté une vigne autre que celle-là, mais en venant sur la terre, il l’a changée et rendue plus parfaite. C’est pourquoi on lit aussi dans l’Evangile : « Il fera périr misérablement ces méchants, et il louera sa vigne à d’autres vignerons (2) ». En effet, l’Evangéliste ne dit pas : Il l’arrachera et en plantera une autre, mais : Il louera cette même vigne à d’autres vignerons. La cité de Dieu se compose de la société des saints ; c’est la réunion des enfants de la promesse : ils disparaissent tour à tour emportés par la mort, mais leur passage successif ici-bas la conduira à sa perfection, et, à la fin des siècles, elle recevra en même temps, dans chacun d’eux, l’immortalité que le Seigneur lui réserve. Dans un autre passage, la cité de Dieu nous est représentée, d’une manière différente, sous l’emblème d’un olivier fertile, et le Psalmiste lui prête ce langage : « Pour moi, je serai dans la maison du Seigneur comme un olivier qui porte du fruit, parce que j’ai mis toute mon espérance dans la ; miséricorde de Dieu pour l’éternité, et pour tous les siècles des