Page:Augustin Crampon - Les quatre Evangiles, Tolra et Haton, 1864.djvu/270

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suivre avec une fidélité consciencieuse les documents de la tradition orale ou écrite qui étaient parvenus jusqu’à lui. Outre qu’il comble beaucoup de lacunes laissées par ses devanciers, il assigne les dates d’après les années des empereurs et des rois, faisant ainsi cadrer l’histoire évangélique avec l’histoire profane ; il range également les faits dans un ordre conforme aux règles du genre historique, sauf quelques écarts qui n’enlèvent pas au livre son caractère chronologique[1].

De plus, saint Luc appartenait par son origine à la Gentilité, il a écrit pour les Gentils, il était disciple de saint Paul, l’apôtre des Gentils ; son livre reflétera aussi ce caractère. On y remarque une tendance à écarter tout ce qui n’est pas d’un intérêt général : ce n’est point à Abraham, père de la nation juive, mais à Adam, père du genre humain, qu’il fait remonter la généalogie de Jésus-Christ. Il évite avec soin tout ce qui pourrait paraître injurieux pour les Gentils[2] ; et comme si ce mot lui-même était une distinction blessante, il le supprime entièrement, ou met à sa place le terme plus général de pécheurs[3]. Enfin il rapporte les paroles de l’institution de l’Eucharistie avec une nuance verbale par où il diffère des deux premiers synoptiques, pour suivre la rédaction de son maître saint Paul[4].

  1. Par exemple, à partir du chap. ix, 51, jusqu’à la dernière Pâque. Toute cette partie renferme des développements propres à saint Luc, et dont la suite chronologique n’était vraisemblablement pas marquée dans les sources où il a puisé.
  2. Par exemple, l’histoire de la Chananéenne (Matth. xv, 22 sv., Marc, vi, 25 sv.).
  3. Comparez Matth. v, 17 et Luc, vi, 33-34 ; Matth. vi, 7-9 et Luc, xi, 2 ; Matth ibid. 32 et Luc, xii, 30 ; Matth. x, 5-6 et Luc, ix, 3-4 ; Matth. xviii, 15-17 et Luc, xvii, 3, 4 ; Matth. xxiv, 9 et Luc, xxi, 17.
  4. Comp. Luc, xxii, 20 avec Matth. xxvi, 28, et I Cor. xi, 25.