Page:Augustin Crampon - Les quatre Evangiles, Tolra et Haton, 1864.djvu/552

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du moins plus clairement rendus par : Et cænā institutā. Ils ne signifient donc pas : la cène (pascale) étant achevée, mais, s’étant faite, ayant eu lieu, ayant commencé, l’heure du repas pascal étant venue.

Maintenant quels étaient les rits observés par les Juifs dans la manducation de l’agneau pascal ? Les renseignements que nous trouvons sur ce sujet dans les écrits rabbiniques, sont encore un des éléments indispensables à la solution de la difficulté qui nous occupe.

La cène pascale commençait au lever des étoiles. Dix personnes au moins devaient être à table ensemble. Les convives étaient étendus sur des lits très-bas, ou divans, le bras gauche appuyé sur un coussin, de manière que la main droite restât toujours libre : ce n’est que la première fois, en Égypte, qu’on avait mangé l’agneau pascal debout, un bâton à la main. Le père de famille ou le président, dit le docteur Sepp, commençait par prendre une coupe pleine de vin, et prononçait la bénédiction en ces termes : « Ceci est le temps de notre délivrance, et nous rappelle la sortie d’Égypte. Béni soit le Seigneur, l’Éternel, qui a créé le fruit de la vigne ! » Puis il buvait du vin contenu dans la coupe, et la passait ensuite aux autres convives, qui en buvaient comme lui, chacun à son tour. Cette bénédiction du repas s’appelait eulogie ; l’agneau lui-même s’appelait sacrifice eucharistique, et c’est de là que la cène chrétienne a pris le nom d’Eucharistie. On apportait alors, ou bien on approchait des convives la table toute servie. Il y avait sur la table des herbes amères, en souvenir des mets amers que le peuple d’Israël avait mangés en Égypte ; une tasse de vinaigre ou d’eau salée, qui rappelait aux assistants les larmes versées par leurs pères, et une espèce de pudding ou brouet de pommes, d’amandes, de figues, etc., cuites dans du vin, appelé charoseth. Le maître de la maison disait : « Béni soit le Seigneur, qui a créé les fruits de la terre. » Puis, prenant des herbes amères, il les levait en l’air en disant : « Nous mangeons ces herbes en souvenir de ce que les Égyptiens ont rempli d’amertume la vie de nos pères dans la terre d’Israël. » Il trempait ensuite ces herbes dans le vinaigre, et en mangeait gros au moins comme une olive ; ce que les autres faisaient à leur tour. On retirait alors la table à quelque distance, et le père de famille, ou son fils aîné, faisait une lecture (par ex. Deut. xxvi), ou une instruction sur la Pâque et la sortie d’Égypte. L’instruction finie, on rapprochait la table où se trouvaient, outre le charoseth dont nous avons parlé, du pain azyme, le sacrifice chagiga, c’est-à-dire des viandes de victimes, et l’agneau pascal, on récitait la première partie de l’hymne (Hallel), c’est-à dire les Psaumes cxiii et cxiv, et l’on vidait la deuxième coupe. Alors commençait le repas proprement dit. Le père de famille, ayant devant lui deux pains, en bénissait un, qu’il rompait aussitôt ; et, prenant un des morceaux, il l’enveloppait d’herbes amères, le trempait dans le charoseth, adressait à Dieu des actions de grâces, et mangeait cette bouchée. Après qu’il avait de la même manière, en bénissant et en rendant grâces, goûté du sacrifice chagiga et de l’agneau pascal, il coupait par morceaux toutes ces viandes, et les distri-