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chèrent publiquement les origines de la souveraineté et du droit dans la raison, dans l’histoire, dans l’assentiment des hommes, dans la volonté nationale.

C’est ainsi que, sans vouloir établir la république, et seulement dans la vue d’organiser la monarchie, ils s’attaquèrent au principe monarchique et mirent en vogue des idées républicaines, si bien qu’en 1789, quoique personne ne voulût de la république, quiconque pensait était imprégné de ces idées républicaines, et c’est ainsi que, quand les circonstances imposèrent la république, en 1792, il se rencontra un nombre suffisant d’esprits préparés à accepter et à faire accepter la forme d’un système dont ils avaient déjà adopté les principes.

Quelques exemples montreront cette élaboration et cette diffusion des idées républicaines avant la Révolution.

L’esprit républicain a peut-être toujours existé, de quelque manière, dans notre pays, à partir de la Renaissance. Mais, dans sa forme moderne, on peut dire que c’est dès l’époque de la Régence, lors de la réaction antiabsolutiste qui suivit la mort de Louis XIV, que cet esprit se manifesta parmi les Français instruits, non pas pour un moment, mais pour tout le siècle.

En 1694, l’Académie française, dans son Dictionnaire, après avoir défini le mot républicain, se croyait obligée d’ajouter : « Il se prend quelquefois en mauvaise part et signifie mutin, séditieux, qui a des sentiments opposés à l’état monarchique dans lequel il vit. » Dans l’édition de 1718, cette phrase malveillante pour les républicains est supprimée, et l’édition de 1740 donne d’honorables exemples de l’usage du mot républicain, comme âme républicaine ; esprit, système républicain ; maximes républicaines, et aussi : C’est un vrai, un grand républicain[1].

Et quelle idée se faisait-on de la république ?

L’Académie française avait défini la république un État gouverné par plusieurs.

C’est bien là ce qu’on ne voulait pas, puisqu’on était unanime à vouloir un monarque.

Mais Montesquieu, en 1748, dans l’Esprit des lois, définit autrement la république : « Le gouvernement républicain, dit-il, est celui où le peuple en corps, ou seulement une partie du peuple, a la souveraine puissance. » Cette définition devint classique. En 1765, elle est reproduite dans l’article République de l’Encyclopédie (t. XIV), qui est entièrement formé de citations de Montesquieu.

Une telle république ne pourrait-elle pas exister avec un roi ? Ce n’est pas ce que pense Montesquieu, mais c’est l’idée de Mably, par exemple, quand il songe à une monarchie républicaine ; c’est aussi l’idée de ceux qui parleront, en 1789, d’une démocratie royale.

Sans doute, Montesquieu se prononce contre la République et croit

  1. Mêmes définitions et exemples dans l’édition de 1762.