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Page:Aulard - Histoire politique de la Révolution française.djvu/74

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BOURGEOISIE ET DÉMOCRATIE

le premier, prononça les mots d'actif, de passif, et proposa ces formules d’où allait sortir toute l’organisation bourgeoise.

C’est seulement quand la défaite de l’ancien régime parut définitive que les projets censitaires furent annoncés officiellement[1] dans le rapport que Lally-Tolendal fit au nom du Comité de constitution, le 31 août 1789. En y proposant le système des deux Chambres, il demandait que les membres de la « Chambre des représentants » fussent propriétaires, parce que, disait-il, les propriétaires sont plus indépendants. Pour ne pas exclure le mérite, il ne demandait qu’une propriété immobilière quelconque : « Ce sera, ajoutait-il, être moins rigoureux que les Anglais et même que les Américains, qui, en exigeant cette propriété, en ont déterminé la valeur. » Mais, quant à la Chambre haute, « chaque sénateur devra justifier d’une propriété territoriale à valeur déterminée (par l’Assemblée nationale) ».

Lally ne parlait que des conditions d’éligibilité. Mounier, dans un rapport et dans un projet qu’il déposa le même jour (31 août), dit que, « pour avoir le droit d’élire, il faudrait être domicilié depuis une année dans le lieu où se fait l’élection, et y payer une imposition directe égale au prix de trois journées de travail ». Et, quant à l’éligibilité, exprimant un avis un peu différent de celui de Lally, il voulait que, pour être éligible au « Corps législatif », on eût « depuis une année une propriété foncière dans le royaume[2] ».

L’Assemblée hésitait visiblement à violer ainsi l’article premier de la Déclaration des droits. On ne fit pas entrer le système électoral dans les articles constitutionnels décrétés en septembre ; on le renvoya au plan de division administrative du royaume.

Ce plan fut l’objet du rapport que Thouret déposa le 29 septembre 1789. Il y calculait que, la population de la France étant d’environ 26 millions d’habitants, il ne devait y avoir qu’environ 4 400 000 électeurs. Pour être citoyen actif, il demandait la condition de trois journées de travail ; pour être éligible à l’Assemblée de la commune et à celle du département, la condition de dix journées de travail ; pour être éligible à l’Assemblée nationale, la condition de payer une contribution directe égale à la valeur d’un marc d’argent. Tout ce système était proposé par Thouret brièvement, sèchement, sans raisons à l’appui.

C’est le 20 octobre 1789 que s’ouvrit le débat sur les conditions requises pour être citoyen actif.

Montlosier demanda la suppression des mots actifs et passifs. Mais il voulait qu’on réservât le droit de suffrage aux seuls chefs de famille.

LeGrand voulait qu’on se bornât à exiger une seule journée de travail[3].

La discussion traînait, comme si l’Assemblée avait honte d’éliminer

  1. Il n’y a rien sur cette question dans le rapport de Mounier du 28 juillet 1789.
  2. L’exposé des motifs se trouve dans un autre rapport de Mounier, du 4 septembre suivant, mais en termes assez obscurs et peu intéressants.
  3. Point du Jour, t. III, p. 489.