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Page:Aulard - Histoire politique de la Révolution française.djvu/83

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LE RÉGIME CENSITAIRE


seulement à la veille de se séparer, le 27 septembre 1791, que l’Assemblée se décida à assimiler tous les Juifs aux autres citoyens français.

L’opinion de Marat est intéressante à connaître parce que, dans son projet de constitution, il s’était exprimé en démocrate (quoique monarchiste). « Tout citoyen, avait-il dit, doit avoir droit de suffrage, et la naissance seule doit donner ce droit[1]. » Il n’excluait que les femmes, les enfants, les fous, etc. Cependant, dans son journal, il ne s’éleva contre le régime censitaire qu’à l’occasion du marc d’argent, quand Thouret le proposa en son rapport du 29 septembre 1789. Il prévit une aristocratie de nobles, de financiers. Il déclara préférer la lumière à la fortune. Mais il aurait voulu « écarter de la lice », c’est-à-dire rendre inéligibles, « les prélats, les financiers, les membres des Parlements, les pensionnaires du prince, ses officiers et leurs créatures », sans compter « une multitude de lâches », membres de l’Assemblée actuelle[2].

On a vu que Mirabeau était hostile au privilège de la classe bourgeoise cela n’empêcha pas son journal, le Courrier de Provence, de louer la condition des trois journées et de dire que cela rappelait à tous « l’obligation du travail[3] ».

La Chronique de Paris approuva d’abord la condition du marc d’argent[4]. Elle sembla se rallier à l’idée d’exclure provisoirement la plèbe de la cité politique, et publia une lettre d’Orry de Mauperthuy, avocat au Parlement, où, après avoir critiqué la condition d’avoir une propriété foncière, il disait[5] : « Il est cependant une classe d’hommes, nos frères, qui, grâce à l’informe organisation de nos sociétés, ne peuvent être appelés à représenter la nation : ce sont les prolétaires de nos jours. Ce n’est pas parce qu’ils sont pauvres et nus : c’est parce qu’ils n’entendent pas même la langue de nos lois. En outre, cette exclusion n’est pas éternelle : elle n’est que très momentanée. Peut-être aiguisera-t-elle leur émulation, provoquera-t-elle nos secours. Sous peu d’années, ils pourront siéger avec vous, et, comme on le voit dans quelques cantons helvétiques, un pâtre, un paysan du Danube ou du Rhin, sera le digne représentant de sa nation. Mieux vaudrait encore (si ce ne pouvait être la ressource de l’aristocratie expirante, et non expirée) s’en rapporter uniquement à la confiance des représentés. Voila le seul principe inviolable. » Il veut un cens pour être électeur, pas de cens pour être éligible. Quand le Comité de constitution proposa de rendre éligibles ceux qui

  1. Marat, la Constitution, p. 21. Voir plus haut, p. 51.
  2. Ami du peuple, n° XXI, p. 179, 180, 181. Il est juste d’ajouter que, si Marat n’exprima pas d’opinion l’occasion du vote des autres mesures censitaires, c’est qu’au moment de ces votes il était poursuivi et avait interrompu la publication de son journal.
  3. N° LVI, p. 23. On a vu plus haut, p. 66, que ce journal avait également approuvé la condition des dix journées de travail.
  4. N° LXVIII, p. 272, col. 1. — Bibl. nat., Le 2/218, in-4.
  5. N° LXXI.