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APPLICATION DU RÉGIME CENSITAIRE

leur liste de citoyens actifs. Il n’y eut, en réalité, pour l’établissement de ces listes et l’appréciation du caractère direct ou non de la contribution, aucune règle uniforme.

Voici une autre difficulté, que signalent le maire et les membres du bureau municipal de Vannes (18 mars 1790), et qui ne se rapporte pas, celle-là, aux élections municipales, mais qui signale bien les imperfections du système électoral en général. Ils font observer que chaque municipalité, dans le district et dans le département, ayant eu la liberté de fixer comme elle l’entendait, le taux de la journée de travail, « il s’ensuit que tel est citoyen actif à 30 sous dans un endroit, qui ne le serait qu’à un écu dans un autre ». Cette base incohérente servira-t-elle à établir l’éligibilité aux fonctions d’électeur du second degré, de membre du district ou du département ? « Un habitant d’un canton ou la journée a été fixée à 10 sols sera-t-il éligible pour les département et districts, lorsqu’il paiera 100 sols de contribution directe, tandis qu’un habitant d’un autre canton, ou elle a été fixée à 20 sols, ne pourra être élu, s’il ne paie le double de la contribution du premier ? » Cela donnerait trop d’avantage aux campagnes, dont les électeurs ne seraient pas en nombre proportionné à ceux des villes. Il faudrait qu’un décret fixât uniformément le prix des dix journées de travail[1].

On signale aussi, çà et là, d’autres conséquences absurdes du régime censitaire. Ainsi Lhomme, maître en chirurgie, écrit de Sancoins, le 18 décembre 1789, qu’il a un fils en bas âge, qu’il aurait voulu le faire instruire avec soin, et qu’il y renonce, parce qu’il y faudrait des dépenses qui diminueraient sa fortune au point de priver plus tard ce fils de l’éligibilité il faudra donc qu’il soit ignorant pour être éligible[2].

Autre difficulté la loi dit que les citoyens doivent écrire leurs bulletins mais comment fera-t on pour les illettrés ? À Die, ou le tiers de la population est illettré, les élections sont suspendues (3 février 1790), jusqu’à ce qu’on ait reçu la décision de l’Assemblée nationale à ce sujet[3]. Les gens de Die ne pouvaient savoir à cette date que, trois jours avant, le 2 février 1790. l’Assemblée nationale avait décrété que les bulletins des illettrés seraient écrits par les trois plus anciens électeurs lettrés[4]. Cette loi fut connue trop tard dans une partie de la France, et il n’y eut pas plus de règle uniforme pour l’admission des illettrés qu’il n’y en avait eu pour l’évaluation de la contribution directe.

Toutefois les réclamations, soit collectives, soit individuelles[5],

  1. Arch. nat., D iv, 11, dossier 157, pièce 4.
  2. Ibid., dossier 156. pièce 9.
  3. Ibid., dossier 157, pièces 22 et 24.
  4. La loi du 28 mai 1790 édicta que le bulletin devait être écrit sur le bureau même, et qu’on ne devait pas l’apporter tout préparé.
  5. Voir, par exemple, une pétition de D. Chauchot, curé d’Is-sur-Tille (17 décembre 1789), qui demande, au nom de t’articte 6 de la Déclaration, la suppression de